Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, M. B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 décembre 2018 prononçant son transfert auprès des autorités allemandes et l'arrêté du 28 décembre 2018 l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes :
- il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'entretien aurait été mené par un agent qualifié, l'identité de la personne ayant conduit l'entretien n'étant pas indiquée ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du transfert sur sa situation personnelle, dès lors que les autorités allemandes ont refusé de faire droit à sa demande d'asile et ont prononcé son expulsion vers l'Afghanistan où il encourt des risques pour sa sécurité.
S'agissant de l'assignation à résidence :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2019, le préfet du Doubs conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu à statuer sur la requête.
Il soutient que la requête de M. B... est dépourvue d'objet dès lors qu'il a été transféré en Allemagne.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience du 24 octobre 2019.
Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, né en 1991, est entré en France le 7 octobre 2018 et a présenté une demande d'asile le 13 octobre 2018. Par deux arrêtés du 28 décembre 2018, le préfet du Doubs a décidé, d'une part, de remettre M. B... aux autorités allemandes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par le jugement attaqué du 18 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des deux arrêtés.
Sur l'exception de non-lieu :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Toutefois, et contrairement à ce que soutient le préfet du Doubs, l'exécution de la décision de transfert avant l'expiration du délai de six mois mentionné au point précédent, ne prive pas d'objet le recours tendant à son annulation. Il en résulte que nonobstant le transfert, le 7 mars 2019, de M. B... auprès des autorités allemandes, il y a toujours lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert du 28 décembre 2018 et contre l'arrêté du même jour portant assignation à résidence .
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) " ;
6. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Ni le compte-rendu de l'entretien individuel qui comporte seulement la mention que l'entretien a été conduit par un agent qualifié de la Préfecture de police de Paris, ni aucune autre pièce du dossier ne permet de déterminer l'identité et la qualité de l'agent ayant mené l'entretien. Toutefois, la disposition précitée n'impose pas de faire figurer l'identité de l'agent et sa qualité sur le compte-rendu d'entretien individuel ou sur la décision de transfert. En outre, M. B... ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la mention portée sur le compte-rendu d'entretien du 12 octobre 2018 concernant la qualification de l'agent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : reprendre en charge (...) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ". Aux termes du 1 de l'article 17 de ce règlement : " (...) chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (... ) ". Selon l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 28 avril 2018, le Bundesamt für Migration und Flüchtinge a rejeté la demande de réexamen de la demande d'asile de M. B... comme irrecevable et a maintenu la décision prononçant son expulsion vers l'Afghanistan. En outre, les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge M. B... sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Toutefois, la décision contestée a seulement pour objet de renvoyer M. B... en Allemagne. Or, l'Allemagne est membre de l'Union Européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, alors même que la demande d'asile de M. B... a été rejetée définitivement par les autorités allemandes, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue que ces autorités ne procéderont pas, à la requête de l'intéressé ou même d'office, à une évaluation des risques de mauvais traitements auxquels M. B... pourrait être exposé du fait de son éventuel retour en Afghanistan, à la lumière de ces derniers textes. Par suite, le préfet du Doubs n'a pas méconnu les dispositions précitées du règlement n° 604/2013 ni entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... en décidant de transférer l'intéressé auprès des autorités allemandes.
9. Faute pour M. B... d'avoir démontré l'illégalité de l'arrêté de transfert, son moyen tiré d'une telle illégalité, invoqué par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté l'assignant à résidence doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC00524