Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805714 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permet de connaître la date de la délibération dudit collège et la forme qu'elle a revêtue ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu sur la base d'un dossier médical trop ancien ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,
- et les observations de Me A..., pour Mme B....très générales et dépourvues de tout élément circonstancié, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... est une ressortissante congolaise, née le 16 mai 1981. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 5 janvier 2012. La requérante a bénéficié, le 28 novembre 2012, d'une autorisation provisoire de séjour pour raison de santé d'une durée de six mois, qui n'a pas été renouvelée. Le 1er juillet 2013, le préfet du Val d'Oise a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. A la suite de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour du 15 septembre 2014, l'intéressée a, de nouveau, bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour du 17 octobre 2014 au 15 octobre 2015. Mme B... a réitéré sa demande d'admission exceptionnelle au séjour le 25 septembre 2015. Par un arrêté du 22 août 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1700903 du tribunal administratif d'Amiens du 15 juin 2017, le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un courrier du 6 mars 2017, la requérante a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 avril 2018, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 29 juin 2018, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2018. Elle relève appel du jugement n° 1805714 du 20 décembre 2018 qui rejette sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 avril 2018, qui a été signé par trois médecins, ne serait pas le fruit d'une délibération collégiale. La circonstance que cette délibération aurait pris la forme d'une réunion ou celle d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle est sans incidence sur la régularité de la procédure. Par suite et en tout état de cause, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie et que la décision en litige serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
4. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 avril 2018 a été rendu sur la base d'un dossier médical daté du 21 novembre 2017, les pièces médicales versées au dossier ne permettent pas de démontrer, contrairement aux allégations de l'intéressée, que ses différentes pathologies auraient évolué ou se seraient aggravées postérieurement à cette date. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à la requérante un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 avril 2018, dont il ressort que l'état de santé de l'intéressée non seulement nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais encore lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Si Mme B... fait valoir qu'elle souffre d'un état de stress post-traumatique, d'une endométriose sévère et d'une pathologie rénale, les nombreuses pièces médicales versées au dossier, qui insistent essentiellement sur la nécessité d'un suivi médical en France et sur l'insuffisance de l'offre de soins au Congo, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité préfectorale sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale. La requérante ne démontre pas davantage que sa pathologie anxio-dépressive serait en lien avec des événements traumatisants vécus dans son pays d'origine et qu'elle serait susceptible de s'aggraver en cas de retour dans ce pays. Par suite, alors que les allégations de l'intéressée sur la nécessité d'un lien thérapeutique entre le médecin et son patient demeurent ...très générales et dépourvues de tout élément circonstancié, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté.très générales et dépourvues de tout élément circonstancié, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a déjà été dit, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si la requérante, arrivée sur le territoire français le 28 novembre 2012, a été autorisée provisoirement à y séjourner pendant un an et demi, elle a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Célibataire et sans enfant à charge, elle ne justifie pas d'attaches familiales ou même personnelles en France. En revanche, l'intéressée, qui est docteur en médecine et spécialisée en pédiatrie, ne démontre pas, malgré le décès de ses parents, être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant fixation du pays de destination :
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige comporte, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
12. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour au Congo risquerait d'aggraver l'état de santé de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige ne peut qu'être rejeté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 29 juin 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC00772