Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 septembre, 2, 9 et 10 octobre 2019 sous le n°19NC02817, M. E... B..., représenté par Me F... et qui est intervenu en première instance au soutien de M. C... demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 26 juin 2019 en tant qu'il prononce la confiscation du bateau.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables en ce que Voies navigables de France, qui estime que le bateau ne peut être déplacé, envisage de le déchirer sur site en méconnaissance de son droit de propriété ;
- les moyens d'appel sont sérieux et reposent sur la qualité incontestable de propriétaire de M. B..., depuis 2015 qui en a également la garde et qui a seulement consenti à y permettre à M. C... d'en occuper une partie pour y terminer son existence ;
- la confiscation ne peut être prononcée à l'encontre d'une personne qui n'est pas propriétaire du bien confisqué ;
- M. C... se borne à occuper un appartement aménagé dans le bateau mais ne saurait être regardé comme le gardien de ce seul fait alors qu'il n'en a pas l'usage exclusif et ne peut pas, en particulier, le déplacer alors que c'est à lui que le jugement a prescrit d'enlever le bateau à peine de confiscation et éventuellement de destruction ;
- le fait qu'il soit regardé comme " gardien " dans l'acte de vente correspond à la seule fonction de concierge qu'il exerce désormais, à la poupe du bateau ;
- seul le vrai propriétaire pouvait faire l'objet de poursuite alors qu'il est constant qu'il n'a pas été destinataire de la notification d'un procès-verbal en méconnaissance des dispositions de l'article L.774-2 du code de justice administrative ;
- le propriétaire n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits en méconnaissance des droits de la défense ;
- la sanction de la confiscation n'était pas nécessaire dès lors que le propriétaire, seul en mesure de procéder à l'enlèvement, n'a pas été mis en mesure de proposer des solutions alternatives ;
- la sanction prononcée ne répond pas, en l'espèce, aux impératifs de personnalité, de nécessité et de proportionnalité ;
- l'existence de l'hypothèque légale qui grève le bateau par l'effet même de la condamnation le prive de son droit de propriété ;
- aucune urgence ne justifie l'exécution immédiate du jugement.
Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2019, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me A..., demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient que :
- le requérant, qui ne conteste pas la matérialité de l'infraction et sa qualification, n'établit pas n'avoir pas eu le temps d'enlever le bateau du domaine public depuis sa mise en cause et de le déplacer dans un port privé, et les conséquences d'une exécution ne peuvent donc être regardées comme irréparables ;
- l'évacuation rapide du domaine est rendue nécessaire par l'existence d'un projet de la commune de Thionville de construction d'une passerelle sur la Moselle ;
- M. C... a été poursuivi à juste titre en sa qualité de gardien du bateau et de propriétaire de ce dernier au moment de l'établissement des procès-verbaux ;
- l'appelant n'a pas la direction et le contrôle du bateau ce qui résulte d'ailleurs de l'acte de vente lui-même ;
- ce dernier n'ayant pas été poursuivi, l'absence de notification des procès-verbaux est sans incidence et la méconnaissance du principe du contradictoire à son égard est inopérant ;
- le caractère objectif de la contravention de grande voirie, que l'administration est tenue de poursuivre sauf cas de force majeure, fait obstacle à ce que soient accueillis les moyens tirés de l'atteinte au principe de nécessité de l'exécution forcée des décisions administratives et aux principes de personnalité, de nécessité et de proportionnalité des peines.
Vu :
- la requête enregistrée le 12 août 2019 sous le n° 19NC02607 présentée par M. D... C..., tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juin 2019 ;
- la requête enregistrée le 12 septembre 2019 sous le n° 19NC02816 présentée par M. E... B..., tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juin 2019 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code des voies navigables et de la navigation intérieure ;
- le décret n° 60-1141 du 17 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Kolbert, président de chambre,
- et les observations de Me F..., représentant M. B..., et de Me A..., représentant Voies navigables de France.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 222-25 du même code : " Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
2. Aux termes de l'article L.2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, en vigueur à la date de l'établissement des procès-verbaux de contravention : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".
3. Alors que s'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de transmission, au tribunal administratif de Strasbourg, des procès-verbaux de contravention de grande voirie établis à l'encontre de M. C..., pour avoir maintenu le bateau " Le Lotus " lui appartenant alors et amarré le long de la Moselle à Thionville malgré le non-renouvellement, après le 31 octobre 2014, de l'autorisation de stationnement qui lui avait été accordée, l'acte sous seing privé du 1er juillet 2015 par lequel M. C... a vendu ce bateau à M. B... avait fait l'objet d'une publicité rendant cette vente opposable aux tiers, il est constant qu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, le certificat d'immatriculation du bateau établissant que cette formalité avait été accomplie auprès du greffe du tribunal de commerce dans les conditions prévues par le décret du 17 octobre 1960, avait été délivré à M. B... le 17 octobre 2018 et qu'ainsi ce dernier devait être regardé comme en étant le seul propriétaire. Il en résulte que le moyen tiré par M. B... de ce que le tribunal administratif de Strasbourg ne pouvait assortir la condamnation prononcée à l'encontre de M. C..., unique contrevenant poursuivi devant lui, d'une mesure de confiscation du bateau alors que ce dernier n'en était plus propriétaire, présente, en l'état de l'instruction, un caractère sérieux de nature à entraîner l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.
4. L'établissement public Voies navigables de France ne conteste pas utilement que l'enlèvement du bateau en vue duquel la mesure de confiscation a été prononcée par le jugement attaqué, impliquerait qu'il soit préalablement procédé au déchirage de ce bâtiment. Il s'ensuit que M. B..., actuel propriétaire du bateau, est fondé à soutenir que l'exécution de ce jugement serait susceptible d'entrainer pour lui des conséquences difficilement réparables.
5. Enfin, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que, alors même que sont remplies les conditions énoncées à l'article R. 811-17 du code de justice administrative, des considérations impérieuses d'intérêt général justifieraient, dans les circonstances de l'espèce, le rejet de la demande de sursis à exécution du jugement.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de décider qu'il sera sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement n° 1801075 du 26 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur les appels formés devant la cour, sous les n° 19NC02607 et 19NC02816.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur les requêtes n° 19NC02607 et 19NC02816, il sera sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement n° 1801075 du 26 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Voies navigables de France et à M. D... C....
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
Le président de chambre,
Signé : E. Kolbert La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 19NC02817