Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02362 le 29 août 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 juillet 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit en totalité à sa demande d'annulation du titre de perception émis à son encontre le 1er décembre 2015 et qu'il ne l'a pas déchargé en totalité de l'obligation de payer la somme de 10 683,00 euros ;
2°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 1er décembre 2015, pour un montant de 10 683 euros ;
3°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle et le ministre de la défense ont rejeté ses réclamations ;
4°) de le décharger de son obligation de payer la somme de 10 683 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit, l'administration ne pouvant exiger le remboursement de sommes prétendument indues au-delà du délai de quatre mois pendant lequel elle peut retirer une décision créatrice de droits ;
- le titre de perception est insuffisamment motivé, en l'absence d'indication des bases de liquidation de la créance et, surtout, des modalités de calcul de celle-ci ;
- le titre de perception est entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'administration ne pouvait solliciter le remboursement des sommes prétendument indues au-delà d'un délai de quatre mois pendant laquelle elle peut retirer une décision accordant un avantage financier ayant caractère de décision créatrice de droits ;
- l'action de l'administration en répétition de certaines des sommes en litige était prescrite en application de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, au-delà de ce qui a été admis par les premiers juges ;
- le titre de perception est entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, le directeur départemental des finances publiques (DDFIP) de Meurthe-et-Moselle conclut à sa mise hors de cause.
Il fait valoir que la DDFIP n'est pas compétente pour apprécier le bien-fondé de la créance litigieuse, ni pour prononcer l'annulation ou la réduction d'un titre de recettes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code civil ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 mai 2015, le centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) du ministère de la défense a informé M. A... B..., militaire radié des contrôles le 26 janvier 2014, qu'il devait rembourser une somme de 10 586,33 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération sur la période du 30 juin 2013 au 29 avril 2015, en raison d'une erreur sur sa solde imputable au dysfonctionnement du logiciel unique à vocation interarmées de la solde dit " Louvois ". L'intéressé ayant contesté ce trop-perçu, le CERHS a procédé à une nouvelle étude de son dossier et le commandant du CERHS l'a informé, par un courrier du 8 septembre 2015, qu'il était redevable d'une somme de 10 682,53 euros et que celle-ci serait récupérée par l'émission d'un titre de perception. M. B... s'est vu notifier le 4 janvier 2016, par la direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Meurthe-et-Moselle, un titre de perception émis à son encontre le 1er décembre 2015 pour un montant de 10 683 euros. Le 29 janvier 2016, il a formé une opposition à exécution de ce titre de perception auprès du directeur départemental des finances publiques, qui l'a transmise au ministre ordonnateur. Un refus implicite est né du silence de ce dernier. M. B... fait appel du jugement du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé le titre de perception émis le 1er décembre 2015, ainsi que le rejet implicite de la réclamation de M. B..., en tant qu'ils portent sur la répétition de sommes indues versées avant le 1er octobre 2013, déchargé M. B... de l'obligation de rembourser les sommes qui lui ont été indument versées avant le 1er octobre 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... avait notamment soutenu, à l'appui de sa demande, que le titre de perception contesté était entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'administration ne pouvait pas exiger le remboursement des sommes prétendument indues au-delà du délai de quatre mois pendant lequel elle peut retirer une décision créatrice de droits en application de la jurisprudence Ternon. Le tribunal s'est prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, en précisant, au point 6 du jugement attaqué, " qu'il résulte des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée ".
3. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le motif d'annulation partielle retenu par le tribunal :
4. Il résulte des dispositions de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.
5. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.
6. Il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté, que le commandant du CERHS a, par un courrier en date du 8 septembre 2015, notifié à M. B... le 27 octobre suivant, confirmé le montant de la créance due par l'intéressé, soit 10 682,53 euros, incluant un trop-versé au titre de la solde de base payée en septembre et octobre 2013 et janvier 2014, un trop-versé au titre de l'indemnité pour services en campagne entre mai 2013 et novembre 2014, ainsi que les cotisations sociales au titre des " moins-versés ". Ce courrier a eu pour effet d'interrompre la prescription biennale prévue par les dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la créance de l'Etat à son encontre n'était prescrite qu'en tant qu'elle portait sur les sommes indues versées avant le 1er octobre 2013.
En ce qui concerne les autres moyens :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ".
8. Une collectivité publique ne peut pas mettre une créance en recouvrement sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce dernier.
9. Le titre de perception litigieux mentionne, dans l'encadré relatif à la situation du débiteur et, plus précisément, à l'" objet de la créance ", qu'il s'agit de " la répétition d'un indu de solde sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil ", selon " décompte des trop-versés (TV) et moins-versés (MV) ". Il mentionne également " l'arrêté en date du 26.04.15 et notifié par lettre n° CAS-2037343-Y6P2Y9-2/CERHS/DTA le 8.09.15 ", et précise que le trop-versé concerne la solde de base et l'indemnité pour services en campagne pour la période comprise entre le 30 juin 2013 et le 29 avril 2015 et pour un montant total de 11 266, 66 euros, que le moins-versé porte sur des cotisations sociales pour une période comprise entre le 30 septembre 2011 et le 29 avril 2015 et pour un montant total de 584,13 euros et, enfin, qu'il en résulte un trop perçu résiduel de 10 682,53 euros arrondi à la somme de 10 683 euros selon la règle en vigueur. En outre, le courrier du 8 septembre 2015, auquel le titre de perception fait expressément référence, d'une part, souligne que le trop-perçu résulte d'une erreur imputable au dysfonctionnement du logiciel unique à vocation interarmées de la solde, dit " Louvois " et, d'autre part, mentionne les rubriques de solde et indemnité faisant l'objet de trop-versé ou de moins-versé, les montants associés ainsi que la période concernée. Il vise enfin l'instruction n° 10100/DEF/SGA/DRH-MD du 26 mars 2014, qui décrit pour chaque rubrique de solde et indemnité, les éléments constitutifs et condition d'attribution des droits financiers. L'ensemble de ces précisions étaient de nature à mettre l'intéressé en mesure de discuter les bases de la liquidation. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le titre de perception est insuffisamment motivé.
10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Par suite, M. B..., n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait solliciter le remboursement des sommes prétendument indues au-delà d'un délai de quatre mois pendant lequel elle peut retirer une décision accordant un avantage financier ayant caractère de décision créatrice de droits.
11. En troisième lieu, le ministre de la défense, qui avait notamment produit en première instance une pièce n° 7 établissant que M. B... avait été placé en congé de maladie pour la période du 27 au 29 septembre 2013, a présenté des tableaux indiquant, pour chaque période en cause, les droits ouverts, les montants perçus et les " rappels Louvois ", desquels il résulte, d'une part, un trop-versé de 533,57 euros au titre de la solde de base et, d'autre part, un trop-versé de 11 021,40 euros au titre de l'indemnité de service en campagne. M. B... ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les données figurant dans ces tableaux. Par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la rémunération perçue par l'intéressé avait déjà fait l'objet d'un contrôle au moment de sa sortie des effectifs du ministère, le 26 janvier 2014, et qu'aucun trop perçu au titre de sa rémunération de base ne lui avait été notifié à l'époque, le requérant n'est pas fondé à contester le bien-fondé de la créance.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé le titre de perception émis le 1er décembre 2015, ainsi que le rejet implicite de sa réclamation, en tant seulement qu'ils portent sur la répétition de sommes indues versées avant le 1er octobre 2013, déchargé M. B... de l'obligation de rembourser les seules sommes qui lui ont été indument versées avant le 1er octobre 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
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N° 18NC02362