Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02751, le 11 octobre 2018, et un mémoire, enregistré le 20 janvier 2021, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juillet 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 4 octobre 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon a rejeté son recours administratif dirigé contre la sanction disciplinaire d'avertissement prise à son encontre le 13 septembre 2016 par la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la communication du sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué n'est signé ni par le président, ni par le rapporteur, ni par le greffier, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de ce que l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale méconnait l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme ainsi que le principe de légalité des délits et des peines ;
- l'administration a méconnu l'article 726 du code de procédure pénale en ne lui permettant pas de visionner personnellement la bande vidéo de l'incident à l'origine de la sanction ;
- la procédure disciplinaire n'a pas respecté les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'article R. 57-7-2, 17° du code de procédure pénale, qui ne définit pas la notion de tapage, méconnait le principe de légalité des peines garanti par l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- les faits de tapage qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction prononcée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une altercation verbale l'ayant opposé, le 6 septembre 2016, à un autre détenu de la maison centrale de Clairvaux, M. D... a fait l'objet, au terme d'une procédure disciplinaire, d'un avertissement le 13 septembre 2016. Sur le recours de l'intéressé, le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon a confirmé cette sanction par une décision du 4 octobre 2016. M. D... relève régulièrement appel du jugement du 7 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur public a, avant l'audience publique du tribunal administratif de Strasbourg du 15 février 2018, indiqué le sens de ses conclusions dans l'affaire concernant M. D..., en faisant porter, sur le site Sagace, la mention " Rejet au fond ". Contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 9 janvier 2009, dépourvue de valeur réglementaire, cette mention répondait aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.
5. En deuxième lieu, M. D... a soutenu devant les premiers juges que le 17° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, faute de définir la notion de tapage, méconnaissait le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines et l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Pour écarter ce moyen, le tribunal a relevé que la rédaction de cet article ne méconnaissait ni l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme ni le principe de légalité des délits et des peines et que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne pouvait ainsi qu'être écarté. Eu égard à la nature de l'argument avancé à l'appui du moyen invoqué par le requérant, la réponse du tribunal était suffisamment motivée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié au requérant n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 726 du code de procédure pénale : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. / Ce décret précise notamment : (...) 4° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d'office, en bénéficiant le cas échéant de l'aide de l'Etat pour l'intervention de cet avocat. Ce décret détermine les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition et celles dans lesquelles l'avocat, ou l'intéressé s'il n'est pas assisté d'un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense, sous réserve d'un risque d'atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes ".
8. Il résulte de ces dispositions et des dispositions règlementaires relatives à la procédure disciplinaire applicable aux personnes détenues que si une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre d'un détenu à partir notamment d'enregistrements de vidéoprotection, ceux-ci font partie du dossier de cette procédure, lequel doit être mis à disposition de la personne détenue ou de son avocat. Dans le cas où la procédure n'a pas été engagée à partir de ces enregistrements ou en y faisant appel, il appartient à la personne détenue ou à son avocat, s'ils le jugent utiles au besoin de la défense et si ces enregistrements existent, de demander à y accéder.
9. Il ressort des pièces du dossier que la procédure disciplinaire engagée contre M. D... à la suite de l'incident du 6 septembre 2016 n'a pas été engagée à partir des enregistrements de la caméra de surveillance. Par ailleurs, si l'intéressé a demandé à y accéder, l'avocat qui le représentait devant la commission de discipline a pu y avoir accès. Dans ces conditions, la circonstance que le requérant n'y ait pas eu un accès personnel n'a pas porté atteinte aux droits de la défense que lui reconnaît l'article 726 du code de procédure pénale.
10. En deuxième lieu, eu égard à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence sur la durée des peines initialement prononcées, les dispositions du code de procédure pénale relatives à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ne sauraient être regardées comme portant sur des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que ces stipulations soient, en ce qu'elles concernent les contestations sur des droits de caractère civil, applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le moyen tiré par M. D... de ce que la procédure disciplinaire menée à son encontre n'aurait pas respecté les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : (...) 17° De provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement ". La circonstance que ces dispositions ne comportent pas de définition de la notion de tapage ne méconnaît ni le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme, ni celui de légalité des délits et des peines et n'est en tout état de cause pas contraire à l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes rendus établis par les surveillants pénitentiaires, que le 6 septembre 2016 dans l'après-midi, M. D... a été vu par un agent se dirigeant vers la laverie où se trouvait un autre détenu, avec lequel, aux dires d'un autre agent, l'intéressé avait déjà eu dans la matinée un différend au sujet du travail en détention. Une altercation verbale, à laquelle le requérant a participé activement, s'en est suivie, et a nécessité l'intervention des gradés et surveillants pour rétablir le bon ordre. Le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause la matérialité de ces faits. En estimant qu'au regard de son attitude, M. D... devait être regardé comme ayant provoqué un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement et en confirmant, pour ces faits, la sanction d'avertissement prononcée contre l'intéressé, le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est Dijon n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 18NC02751