Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 février 2019 et le 17 juillet 2020, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de débouter Voies Navigables de France (VNF) de l'intégralité de ses demandes ;
3°) de statuer ce que de droit sur les éventuels frais et dépens.
Il soutient que :
- il appartient à VNF de rapporter la preuve de l'inexécution de la décision du tribunal administratif ;
- la juridiction administrative peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire même en cas d'inexécution constatée ;
- il n'est plus le propriétaire du bateau " Lotus " depuis le 1er juillet 2015 et ne pouvait donner suite aux injonctions de VNF ; l'omission de renseigner le registre national d'immatriculation des bateaux a été réparée ;
- il ne peut être regardé comme le gardien de ce bateau au sens de l'article 1242 du code civil par le seul fait qu'il habite ce bateau, qui, au surplus, ne peut plus naviguer ;
- le " Lotus " a été scellé à la berge, de sorte qu'il est devenu un immeuble ;
- il est fondé à demander la suppression de cette astreinte ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, l'Etablissement public VNF, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. D... ;
2°) de liquider l'astreinte à son profit en majorant le taux fixé par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. D... ne conteste pas sérieusement ne pas avoir exécuté le jugement du 12 juillet 2017 du tribunal administratif ;
- M. D... occupe toujours sans titre le domaine public fluvial ;
- ces agissements sont constitutifs d'un mauvais vouloir persistant de la part du contrevenant ;
- le moyen tiré de ce que M. D... ne serait plus propriétaire du bateau " Lotus " est inopérant ;
- la mutation du bateau n'a été enregistrée au registre national d'immatriculation des bateaux que le 22 octobre 2018 ;
- M. D... peut être régulièrement poursuivi pour contravention de grande voirie en sa qualité de gardien du bateau et est également responsable de l'évacuation de celui-ci du domaine public fluvial ;
- le changement de propriété du bateau ne saurait dispenser M. D... du paiement de l'astreinte minimale pour la période allant jusqu'à la vente du bateau et a fortiori pour toute la période d'occupation du bateau sans titre.
Par une décision du 28 mars 2019 du président de la section administrative d'appel près le tribunal de grande instance de Nancy, M. E... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour M. D..., ainsi que celles de Me A..., pour Voies navigables de France.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 12 juillet 2017, notifié à M. D... le 18 novembre 2017 dans les conditions prévues par l'article L. 774-6 du code de justice administrative, et confirmé par un arrêt du 13 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy, le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint à l'intéressé d'évacuer le domaine public fluvial, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le bateau " Lotus " qui était stationné sans autorisation le long de la rive droite de la Moselle sur le territoire de la commune de Thionville. M. D... relève appel du jugement en date du 16 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à VNF une somme de 18 450 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 12 juillet 2017.
Sur la liquidation de l'astreinte :
2. Le juge administratif, lorsqu'il fait droit à une demande tendant à la libération d'une dépendance du domaine public irrégulièrement occupée, enjoint à l'occupant de libérer les lieux sans délai, une telle injonction prenant effet à compter de la notification à la personne concernée de la décision du juge. Si l'injonction de libérer les lieux est assortie d'une astreinte, l'astreinte court à compter de la date d'effet de l'injonction, sauf à ce que le juge diffère le point de départ de l'astreinte dans les conditions qu'il détermine. Lorsqu'il a prononcé une telle astreinte, il incombe au juge de procéder à sa liquidation, en cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de l'injonction. Le juge saisi aux fins de liquidation d'une astreinte n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée. Il peut toutefois modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle.
3. M. D..., qui ne justifie pas avoir exécuté le jugement du 12 juillet 2017 du tribunal administratif de Strasbourg, soutient, d'une part, que le bateau ne lui appartiendrait plus et, d'autre part, que celui-ci devrait être regardé comme un immeuble construit sur la berge. Cependant, les moyens ainsi tirés de la contestation de sa qualité de redevable et de la situation du bateau sont, en tout état de cause, inopérants dès lors que le jugement en date du 12 juillet 2017 du tribunal administratif de Strasbourg prononçant une astreinte à son encontre est devenu définitif.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à VNF une somme de 18 450 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du même tribunal le 12 juillet 2017.
Sur les conclusions de VNF tendant à la majoration du taux d'astreinte :
5. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la vente du bateau, il n'y a pas lieu de majorer le taux de l'astreinte comme le demande VNF.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par VNF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Voies Navigables de France tendant à la majoration du taux de l'astreinte et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à Voies Navigables de France.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et au ministère public près de la Cour de discipline budgétaire et financière.
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N° 19NC00400