Par un jugement no 1703270-1806044 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 août 2019 et le 8 octobre 2020, M. A... D..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du 28 avril 2017 et du 2 août 2018 par lesquelles le maire de la commune de Sierentz a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service et l'a radié des cadres ;
3°) d'enjoindre à la commune de Sierentz de le réintégrer dans ses effectifs sur un poste compatible avec son état de santé et validé par la médecine de prévention dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sierentz la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision du 28 avril 2017 :
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision du 2 août 2018 :
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été informé des risques encourus en l'absence de reprise du poste ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que, préalablement à la mise en demeure, il n'était pas en situation d'absence injustifiée mais devait être en disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur ; en outre, il s'est rendu à la médecine du travail manifestant ainsi sa volonté de ne pas rompre le lien l'unissant au service ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'administration n'a pas procédé à une contre-visite médicale en application de l'article 15 du décret n°87-602.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, la commune de Sierentz, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour la commune de Sierentz.
Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 5 février 2021.
1. M. D..., adjoint technique de 2ème classe, est employé par la commune de Sierentz en qualité d'agent d'entretien aux espaces verts. Le 4 avril 2016, il a été placé en congé de maladie ordinaire pour une durée d'un an puis en disponibilité d'office pour raison de santé par un arrêté du 27 juillet 2017. Par un courrier du 12 juin 2016, il a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif réactionnel dont il souffrait. Par une décision du 28 avril 2017, le maire de la commune de Sierentz a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la maladie de M. D.... Par une seconde décision du 2 août 2018, le maire l'a radié des effectifs de la commune pour abandon de poste. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 avril 2017 portant refus d'imputabilité de la maladie de M. D... au service :
2. En premier lieu, la décision contestée, après avoir visé les textes dont il est fait application, mentionne les termes de l'avis de la commission de réforme selon lequel il n'était pas mis en évidence de lien direct et certain entre la pathologie et l'activité de l'agent, dont le maire de la commune de Sierentz s'est approprié les motifs, et que l'affection de M. D... ne relevait ni d'un accident de service, ni d'une maladie professionnelle, ni d'une maladie contractée en service. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait.
3. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. M. D... soutient que son état anxio-dépressif réactionnel est imputable au service. Toutefois, s'il ressort des certificats médicaux établis en 2014 et 2016 que l'intéressé, outre des problèmes rachidiens, a évoqué des difficultés relationnelles avec son entourage professionnel, notamment le sentiment d'être mis à l'écart, il n'apporte aucun élément pour l'établir. Par ailleurs, s'il est vrai que tous les rapports d'expertise retiennent que l'intéressé souffre d'un état anxio-dépressif réactionnel, ils n'imputent pas cette situation aux fonctions exercées par M. D... ou à ses conditions de travail. A cet égard, dans le rapport du 5 décembre 2016, le médecin agréé, psychiatre, mentionne que le requérant considère que les tâches qui lui incombent, depuis que son poste a été aménagé pour tenir compte de ses lombalgies, sont dégradantes et qu'il revendique une mutation dans un autre service, ce qui l'a conduit à estimer que son état anxio-dépressif réactionnel était consécutif à son refus d'accepter les tâches professionnelles qui lui ont été confiées, conformément à l'avis du comité médical et avec l'accord du médecin de prévention, ainsi que le fait valoir sans être contredite la commune de Sierentz, et que sa pathologie n'était pas imputable à son activité professionnelle. Ni le rapport d'expertise du 22 décembre 2016, qui évoque, de la part de l'intéressé, un sentiment d'injustice et de manque de considération, ni celui du 19 mai 2017, qui se borne à évoquer la nécessité d'une mutation du requérant dans une autre commune, compte tenu de son état dépressif, ne sont de nature à remettre en cause les conclusions du médecin agréé sur lesquelles s'est fondée la commission de réforme pour émettre, le 9 février 2017, un avis défavorable à l'imputabilité de la pathologie de M. D... au service et que l'administration a suivi. Dans ces conditions, la pathologie dépressive de M. D..., liée à son refus d'accepter ses nouvelles tâches, ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail et, par suite, comme une maladie contractée en service. Il s'ensuit qu'en refusant par la décision contestée de placer le requérant sous le régime applicable aux accidents et maladies professionnelles, la commune de Sierentz n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2017.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 août 2018 portant radiation des cadres de M. D... pour abandon de poste :
7. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
8. Il ressort des pièces du dossier que, saisi à la demande de M. D..., par un avis du 5 juin 2018, le comité médical supérieur a confirmé l'avis du comité médical départemental déclarant l'intéressé apte à la reprise du travail à compter du 3 octobre 2017 sur un poste aménagé, selon les recommandations du médecin de prévention. Conformément aux termes de la mise en demeure du 5 juin 2018 que la commune de Sierentz a adressé à M. D..., ce dernier s'est rendu, le 2 août 2018, soit le jour fixé pour la reprise du service, à la visite médicale de reprise, manifestant ainsi son intention de ne pas rompre tout lien avec le service. S'il n'a pas repris effectivement son poste, c'est en raison de l'avis du médecin de prévention, dont l'administration a été informée avant même qu'elle n'édicte la décision en litige, selon lequel le requérant ne pouvait pas reprendre son précédent poste et qu'il semblait préférable, ainsi que l'avait préconisé, dans son rapport du 19 mai 2017, le médecin agréé, de l'affecter sur un poste aménagé dans un autre lieu de travail. Cette circonstance constituait un motif justifiant que M. D... ne reprenne pas son poste le 2 août 2018, quand bien même le médecin de prévention ne s'est pas explicitement prononcé sur son aptitude au travail. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, en radiant des cadres le requérant pour abandon de poste, la commune de Sierentz a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt implique nécessairement, d'une part, que M. D... soit réintégré juridiquement à la date de prise d'effet de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste et, d'autre part, que l'administration examine, en lien avec la médecine de prévention, la possibilité de l'affecter à un poste adapté. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la commune de Sierentz de réintégrer juridiquement M. D..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et d'examiner la possibilité de l'affecter à un poste adapté. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sierentz demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sierentz le versement d'une somme au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la commune de Sierentz du 2 août 2018 portant radiation des cadres de M. D... est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 2 août 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Sierentz de réintégrer M. D... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste et, d'autre part, d'examiner, en lien avec la médecine de prévention, la possibilité de l'affecter à un poste adapté, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Sierentz sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me G... pour M. A... D... et à Me C... pour la commune de Sierentz en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente de la chambre,
- M. Rees, président assesseur,
- M. E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le rapporteur,
Signé : S. E...La présidente
Signé : S. B...Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 19NC02630 2