Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02316 le 22 juillet 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2019 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 800 euros en réparation du préjudice qu'il a subi en raison des conditions de son incarcération à la maison d'arrêt de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : le tribunal n'a pas statué sur sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ; le principe du contradictoire a été méconnu ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur plusieurs griefs : les températures caniculaires en cellules, la dangerosité des installations électriques, la panne d'eau chaude en novembre 2016 ; le tribunal a fait reposer intégralement la charge de la preuve des faits dénoncés sur le requérant, alors qu'il lui appartenait de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction ;
- ses conditions de détention étaient dégradantes et portaient atteinte à sa dignité ;
- il a subi un préjudice moral, ainsi qu'un préjudice physique et un pretium doloris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. A..., tendant aux mêmes fins que ses écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 22 décembre 2020, avant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture d'instruction a été reportée du 16 décembre 2020 au 28 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... a été incarcéré du 29 avril 2016 au 8 avril 2017 à la maison d'arrêt de Strasbourg. Estimant que ses conditions de détention étaient dégradantes et portaient atteinte à sa dignité, il a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, par un courrier en date du 14 mai 2017, de l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi. Le silence du ministre sur sa demande préalable a fait naître une décision implicite de rejet. M. A... fait appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 800 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi notamment en raison des conditions de sa détention.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. A... doit être regardé comme n'ayant sollicité son admission provisoire à l'aide juridictionnelle, dans sa demande de première instance, que sous réserve qu'il n'ait pas été statué définitivement, à la date du jugement, sur la demande qu'il avait adressée au bureau d'aide juridictionnelle. Il est constant que M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 octobre 2017, ainsi que le mentionnent les visas du jugement attaqué. Dès lors, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer en s'abstenant de se prononcer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire... " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " ... La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties... Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions que le juge n'est pas tenu de communiquer l'ensemble des mémoires échangés par les parties.
4. Il est constant que le garde des sceaux, ministre de la justice, a produit son mémoire en défense le 24 août 2018, trois jours avant la clôture de l'instruction, et que ce mémoire a été communiqué à M. A... le 27 août suivant, jour de la clôture de l'instruction. Si le tribunal administratif n'a pas formellement reporté la clôture de l'instruction, celle-ci doit être regardée comme ayant été reportée, dès lors que le tribunal a accordé trente jours à M. A... pour produire un éventuel mémoire en réplique. Alors que la date de l'audience publique était fixée au 11 avril 2019, M. A... a adressé sa réplique le 7 avril, soit avant l'intervention de la clôture automatique, intervenue trois jours francs avant l'audience. Si le tribunal administratif n'a pas communiqué ce mémoire, il ne ressort pas de sa lecture qu'il comportait des éléments nouveaux, nonobstant la circonstance qu'il était accompagné d'un témoignage, non déterminant, de l'un des codétenus de M. A.... Par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus de communiquer ce mémoire en réplique et n'ont donc en tout état de cause pas méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de le communiquer.
5. En troisième lieu, le tribunal administratif a indiqué, au point 7 du jugement attaqué, d'une part, que " La circonstance, à la supposer établie, que le système d'eau chaude a connu une panne en novembre 2016, n'a pas perduré dans le temps ", d'autre part, qu'" Il ne résulte pas (...) de la photographie produite par l'intéressé que des fils électriques, bien que ne possédant pas de système de cache, se seraient trouvés à nu à leur extrémité ", qu'" une photo de la cellule du requérant (...) atteste de la présence d'une fenêtre de dimension suffisante pour assurer le renouvellement de l'air (...) en cellule ", et que " l'ensemble des bouches de ventilation ont été débouchées en juin 2016 et un système permettant leur nettoyage régulier a été mis en oeuvre ". Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal ne s'est pas prononcé sur les griefs tirés des températures caniculaires en cellule, de la dangerosité des installations électriques et de la panne d'eau chaude en novembre 2016, et que le jugement attaqué serait ainsi entaché d'omissions à statuer.
6. En quatrième lieu, alors que le juge administratif est seul maître de l'instruction, la circonstance que le tribunal administratif a usé de formules telles que " il n'établit pas que... ", " ces allégations ne ressortent pas de l'instruction... ", " le requérant ne produit pas à l'appui de ses allégations que... ", n'est pas de nature à démontrer qu'il aurait fait reposer intégralement la charge de la preuve des faits dénoncés par le requérant sur l'intéressé lui-même, ou qu'il aurait méconnu son office en s'abstenant de prendre des mesures d'instruction qui auraient été nécessaires à la solution du litige.
7. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 10 du même pacte : " 1. Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. (...) 3. Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social. ".
9. Aux termes de l'article D. 189 du code de procédure pénale : " A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale ". Aux termes de l'article 716 du même code : " Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants : 1° Si les intéressés en font la demande ; 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ; 3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent./ Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées ". Aux termes de l'article D. 349 du même code : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques ". Enfin, aux termes des articles D. 350 et D. 351 du même code, d'une part, " les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " et, d'autre part, " dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus ".
10. Tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. En raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes. Des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Les conditions de détention s'apprécient au regard de l'espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du respect de l'intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l'accès à la lumière, de l'hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage. Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et des articles D. 349 à D. 351 du code de procédure pénale, révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime, qu'il incombe à l'Etat de réparer.
En ce qui concerne la superficie des cellules occupées par M. A... :
11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de visite de 2009 du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), que chaque unité de vie de la maison d'arrêt de Strasbourg comporte dix-sept cellules de deux personnes, que les cellules ont une surface minimale de 9 m² et que chaque cellule comprend deux chaises, une table, deux armoires, une penderie, des étagères encastrées, un panneau d'affichage, un poste de télévision et, le cas échéant, un réfrigérateur.
S'agissant de la période du 29 avril au 27 mai 2016 :
12. Il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté par l'administration que la cellule n° EA2P32 située dans le bâtiment A, dans le quartier " arrivant ", occupée par M. A... du 29 avril au 27 mai 2016, était également occupée par deux autres détenus durant cette période. Ainsi, la surface au sol dont disposait chaque détenu était inférieure à 3 m². Toutefois, outre la circonstance que l'intéressé n'a passé qu'un peu moins d'un mois dans cette cellule, le CGLPL précise dans son rapport de visite de 2009 que les cellules du quartier des arrivants bénéficient d'équipements supplémentaires mis gratuitement à la disposition de ces derniers, tels un poste de télévision et une plaque chauffante avec une casserole. En outre, le rapport de visite de 2017 mentionne que les détenus affectés dans le quartier des arrivants bénéficient d'une promenade quotidienne d'une heure et demie. Dans ces conditions, la surface au sol par détenu ne peut pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant porté atteinte à la dignité du requérant.
S'agissant de la période du 27 mai 2016 au 8 avril 2017 :
13. Il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté par le requérant que la cellule n° EA5I29 située au 5ème étage du bâtiment B, occupée par M. A... du 27 mai au 7 juillet 2016, la cellule n° B508 située au même étage du même bâtiment, occupée par l'intéressé du 7 au 25 juillet 2016 et, enfin, la cellule n° B0P06 située au rez-de-chaussée du bâtiment B, occupée par M. A... du 25 juillet 2016 au 8 avril 2017, étaient également occupées par un autre détenu durant ces périodes. Ainsi, la surface au sol dont disposait chaque détenu était de 4,5 m², soit une surface ne pouvant être regardée comme portant atteinte à la dignité des détenus.
14. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la superficie des cellules qu'il a occupées à la maison d'arrêt de Strasbourg était de nature à porter atteinte à sa dignité.
En ce qui concerne manque d'intimité dans les cellules occupées par M. A... :
15. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de 2017 du CGLPL, que le coin toilettes des cellules du quartier des arrivants n'est pas isolé, alors pourtant qu'il s'agit de cellules doubles, et que la configuration des toilettes exclut ainsi toute intimité. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, M. A... n'a occupé la cellule n° EA2P32 que durant un peu moins d'un mois et il pouvait en outre utiliser les équipement sanitaires collectifs, à chaque fois que c'était possible.
16. D'autre part, il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté que les toilettes des cellules n° EA5I29, B508 et B0P06 étaient séparées du reste de la pièce par une cloison, assurant ainsi à leurs deux occupants le minimum d'intimité requis, tout en permettant au personnel pénitentiaire d'assurer sa mission de surveillance et de protection des détenus.
17. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la configuration des toilettes était constitutive de conditions de détention dégradantes portant atteinte à sa dignité.
En ce qui concerne l'insalubrité des cellules et des espaces communs :
S'agissant de l'insalubrité des cellules occupées par M. A... :
18. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de visite de 2009 du CGLPL, et alors que la responsabilité de la propreté des locaux ne repose pas uniquement sur l'administration, mais aussi sur la population pénale, chaque détenu devant nettoyer sa cellule quotidiennement, que chaque cellule est dotée d'une poubelle, que les ordures ménagères, entreposées dans un sac remis par les détenus auxiliaires, sont ramassées chaque jour, que des produits d'hygiène et de nettoyage sont remis gratuitement aux détenus une fois par mois (eau de javel diluée, savon, shampoing, dentifrice, crème à raser, papier de toilette, produits de nettoyage) et sur simple demande et, enfin, que les draps sont changés tous les quinze jours et les couvertures à la demande. Si le rapport de visite de 2017 du CGLPL mentionne que des nuisibles sont régulièrement signalés dans l'établissement, notamment des punaises de lit, il souligne également que " l'attaché a pris la question " à bras le corps " et a fait l'acquisition d'un appareil spécifique (à vapeur) pour éradiquer ces nuisibles. Aucun signalement n'a été fait depuis septembre 2016 ".
19. Aucune disposition de nature législative ou règlementaire n'exige l'installation d'une ventilation mécanique, et il résulte de l'instruction que toutes les cellules de la maison d'arrêt de Strasbourg sont dotées d'un système d'aération par les fenêtres et par les portes, ce qui permet d'assurer le renouvellement de l'air ambiant dans des conditions satisfaisantes. Si l'administration admet elle-même que la taille des fenêtres est réduite, limitant ainsi la luminosité dans les cellules, une telle circonstance ne saurait être regardée comme portant atteinte à la dignité des détenus ou méconnaissant les dispositions précitées du code de procédure pénale, alors notamment que les cellules sont également éclairées par un éclairage artificiel. En outre, il n'est pas contesté que l'ensemble des bouches de ventilation ont été débouchées en juin 2016 et qu'un système permettant leur nettoyage régulier a été mis en oeuvre.
20. M. A..., qui par ailleurs ne passait pas tout son temps en cellule, dès lors qu'il avait la possibilité d'effectuer des promenades quotidiennes, d'exercer une activité sportive ou professionnelle, et qu'il pouvait aussi bénéficier de parloirs, ne conteste pas que plusieurs travaux ont été réalisés pour améliorer la chaleur dans les cellules, avec notamment la mise en place en juin 2016 d'un système de régulation et d'une batterie de chauffage pour permettre un équilibrage du chauffage. S'il soutient que le système d'eau chaude de la cellule n° B0P06 était en panne en novembre 2016, il ne le démontre pas par les pièces qu'il produit. Il ne démontre pas davantage que les fils électriques du plafonnier de cette cellule, bien que dépourvus d'un cache, se seraient trouvés à nu à leur extrémité.
21. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la salubrité des cellules était constitutive de conditions de détention dégradantes portant atteinte à sa dignité.
S'agissant de l'insalubrité des espaces communs :
22. Si M. A... soutient que la cellule n° B0P06 était située au rez-de-chaussée, au niveau d'une cour fermée jonchée de détritus occasionnant de fortes odeurs et la présence de nuisibles (rats, pigeons), le rapport de visite de 2009 du CGLPL mentionne que, si " Les abords des bâtiments sont particulièrement sales et peu entretenus ", en revanche, " La présence de rats et de cafards n'a pas été constatée et un contrat de lutte contre les nuisibles a été conclu avec une entreprise spécialisée ". Il indique également que seule " la présence de nombreux pigeons et de mouettes est attestée ", mais que " La pose de caillebotis a permis de limiter les projections de détritus par les fenêtres ". En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'état d'insalubrité de la cour, qui du reste n'était pas accessible aux détenus, aurait été tel qu'il constituerait une atteinte à la dignité humaine de M. A.... Il résulte également de l'instruction que, à la suite du rapport de visite du CGLPL de 2009, les urinoirs et poubelles des cours de promenade ont été fermés, et M. A... ne conteste pas que les cours de promenade sont nettoyées régulièrement suivant un planning établi par une note de service du 16 décembre 2014.
23. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de visite de 2017 du CGLPL, que les locaux communs des bâtiments de détention sont entretenus par les auxiliaires d'étage en charge de la collecte des poubelles de cellules, lesquelles sont relevées dans chaque cellule tous les jours aux environs de midi, que des chariots à trois compartiments permettent d'effectuer le tri des ordures ménagères qui sont évacuées par containers en rez-de-chaussée de bâtiment et conduites à l'extérieur, par les espaces de circulation, jusqu'au compacteur de déchets, et que le nettoyage des circulations, des grilles, des murs et portes, des parties communes et des cellules libérées est également à la charge de chacun des auxiliaires d'étage. Le CGLPL constate par ailleurs que les cours de promenade, bien que paraissant sales en permanence, sont débarrassées des monticules d'ordures jetées par les fenêtres, quotidiennement entre 12 h et 14 h, par un auxiliaire accompagné d'un surveillant. Il constate enfin que, si des nuisibles sont régulièrement signalés à l'établissement, " S'agissant des souris (et non pas des rats), un contrat est passé avec une société qui intervient tous les trois mois et plus à la demande. Des pièges par application de glue sont disponibles dès lors que leur présence est signalée ". Enfin, si la maison d'arrêt de Strasbourg a été effectivement touchée par une épidémie de gale en mars 2017, M. A... n'allègue même pas avoir été personnellement touché par cette épidémie.
24. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la salubrité des espaces communs de la maison d'arrêt était constitutive de conditions de détention dégradantes portant atteinte à sa dignité.
En ce qui concerne les autres griefs énoncés par M. A... :
S'agissant du tabagisme des codétenus de M. A... :
25. L'administration ne conteste pas que le requérant a pu être gêné par le tabagisme de ses deux codétenus, quand il occupait la cellule n° EA2P32 du quartier des " arrivants ". Toutefois, outre le fait que l'intéressé n'a passé qu'un peu moins d'un moins dans cette cellule, il n'a jamais exprimé de demande de changement de cellule pour ce motif et n'a pas davantage produit de documents médicaux qui auraient pu mettre les autorités pénitentiaires en mesure d'aménager son régime de détention sur ce point.
S'agissant des horaires passés en cellule :
26. Outre la circonstance que le confinement en cellule de 17 h 30 à 7 heures du matin n'est pas attentatoire à la dignité des détenus, il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté, que M. A... n'a jamais été confiné en cellule du matin au soir et a participé à diverses activités. Il ne conteste pas s'être notamment inscrit à la bibliothèque le 13 mai 2016, ainsi qu'à des activités cultuelles catholique et bouddhiste, avoir participé à la fête de la musique, avoir fait du sport en extérieur et en intérieur, s'être inscrit en septembre 2016 aux cours en zone scolaire et avoir été classé cantinier du 25 juillet 2016 à sa libération. De plus, si les activités socioculturelles ne fonctionnent pas le week-end, les promenades et les parloirs restent accessibles le samedi et le dimanche.
S'agissant des situations dangereuses allégués :
27. Il ne résulte pas de l'instruction que la présence, dans les cours de promenade, de fils barbelés à 2 m de hauteur, nécessaires à la prévention du risque d'évasion, présenterait un caractère de dangerosité particulier. A supposer même qu'il n'y aurait aucun extincteur et aucune alarme d'incendie dans la salle polycultuelle, une telle circonstance n'est pas de nature à révéler une atteinte à la dignité humaine de M. A....
S'agissant des correspondances et appels téléphoniques de M. A... :
28. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine. / Ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, dont la liste est fixée par décret, et les aumôniers agréés auprès de l'établissement. / Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'une personne détenue, elle lui notifie sa décision ". L'article D. 262 du code de procédure pénale dresse la liste limitative des autorités administratives et judiciaires françaises mentionnées par ces dernières dispositions.
29. Si le requérant soutient que ses correspondances avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté ont été systématiquement ouvertes par l'administration, cette autorité n'est pas au nombre des autorités administratives limitativement énumérées à l'article D. 262 du code de procédure pénale. L'administration pouvait donc légalement contrôler ces correspondances. En outre, si M. A... affirme que son conseil a systématiquement reçu avec plus d'une quinzaine de jours de retard les correspondances qu'il lui avait adressées, il ne produit pas la copie de ces courriers attestant de la date à laquelle ils ont été rédigés, ni les enveloppes permettant de vérifier leur date d'envoi effective. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le secret des échanges téléphoniques des détenus avec leurs proches ou avec leurs avocats ne serait pas garanti.
S'agissant de participation au culte ou à des activités professionnelles ou sportives :
30. Aux termes de l'article R. 57-9-3 du code de procédure pénale : " Chaque détenu doit satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ". Aux termes de l'article 26 de la loi précitée du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " Les personnes détenues ont droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement. ".
31. M. A... ne produit aucune pièce susceptible de démontrer qu'il aurait formulé une demande de participation à un culte ou à des activités professionnelles ou sportives durant son mois de détention dans le quartier des arrivants.
S'agissant des soins dentaires :
32. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a été vu en consultation aux hôpitaux universitaires de Strasbourg pour " évaluation des soins dentaires ", et que le chirurgien-dentiste qui l'a examiné a indiqué que les soins pouvaient être effectués par l'unité sanitaire au sein de la maison d'arrêt de Strasbourg. En outre, M. A... ne produit aucun document attestant de ce qu'il souffrait d'une carie qui n'aurait pu être soignée qu'à sa sortie de prison. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas reçu les soins appropriés alors qu'il souffrait d'une carie.
33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
34. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
2
N° 19NC02316