Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01195 le 5 juin 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet du Jura l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est illégal dès lors qu'à la date de sa notification, elle était titulaire d'une attestation de demande d'asile valable jusqu'au 3 décembre 2019 ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit à être entendu qui résulte de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, à titre principal, que la requête est tardive et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... de nationalité nigériane, est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 1er mai 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 décembre 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 17 septembre 2019. Par un arrêté du 1er octobre 2019, le préfet du Jura a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes du paragraphe I de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 1211, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 7431 et L. 7432, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...).". Aux termes de l'article L. 7411 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". L'article L. 7431 de ce code prévoit : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 7312 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celleci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 7411, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 7433 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 7432 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet du Jura du 1er octobre 2019 faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français a été pris à la suite du rejet définitif, le 17 septembre 2019, du recours formé par l'intéressée devant la CNDA en application des dispositions combinées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 7431 et L. 7433 du même code. Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des dispositions de ces deux derniers articles que le rejet définitif de sa demande d'asile a eu pour effet par lui-même, à compter de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, le 17 septembre 2019, de mettre fin au droit au séjour qu'elle tenait de son attestation de demande d'asile. Au surplus, l'article 2 de l'arrêté du premier octobre 2019 dispose que " L'attestation de demande d'asile délivrée le 4 juin 2019 est retirée ". Dès lors, Mme B..., qui ne bénéficiait plus d'aucun droit au séjour, pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du 6° du I de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet à l'autorité préfectorale de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'étranger qui s'est vu définitivement refuser la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché d'erreur de droit sa décision en obligeant la requérante à quitter le territoire français alors qu'elle bénéficiait encore d'une attestation de demande d'asile en cours de validité ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
5. Mme B... soutient qu'elle a été privée du droit à être entendue avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, lorsqu'il sollicite l'admission au séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. À l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnu un droit au séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite du refus définitif de sa demande d'asile.
6. Mme B..., qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, n'établit pas qu'elle aurait été empêchée de présenter au préfet du Jura, à l'occasion du dépôt de sa demande ou en cours d'instruction de celle-ci, tous éléments pertinents relatifs à sa situation et en particulier à son état de santé, avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision a été prise en méconnaissance du droit à être entendu, qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Mme B... soutient que la tentative d'excision de la part de son mari a entrainé un syndrome dépressif post traumatique et que son éloignement vers le Nigéria l'exposera à une aggravation de son état de santé. Toutefois, elle ne justifie, ni par les ordonnances et certificats médicaux versés au dossier, ni par les développements généraux de l'extrait d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) daté de novembre 2017 portant sur la question du traitement des maladies psychiques au Nigéria, qu'elle présenterait une pathologie d'une particulière gravité nécessitant des soins qui ne pourraient être dispensés au Nigéria. En outre, si la requérante soutient avoir quitté le Nigéria en 2018 afin de fuir un mariage forcé et une tentative d'excision, et fait état d'un risque de subir des mutilations génitales de la part de la famille de son mari en cas de retour au Nigéria, elle ne verse au dossier qu'un certificat médical en date du 28 mai 2019 qui se borne à restituer son récit et établit que sa cicatrice est compatible avec ses dires, ainsi qu'une enquête de l'Immigration and refugee board of Canada sur les risques d'excision au sein de certains groupes ethniques au Nigeria. Par ces éléments, elle n'établit pas qu'elle serait personnellement et directement exposée à un risque réel, direct et sérieux de subir des telles mutilations. Dans ces conditions, Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2019 pris à son encontre par le préfet du Jura. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
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