2°) d'annuler les décisions des 10 et 18 octobre 2018 du directeur de la maison centrale d'Ensisheim ;
3°) d'enjoindre au directeur de la maison centrale d'Ensisheim de lui accorder cette autorisation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en ne retenant pas l'acquiescement aux faits en dépit d'une mise en demeure de produire et d'un défaut de communication en défense avant la clôture de l'instruction, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'irrégularité ;
- les décisions litigieuses procèdent d'une violation de l'article 43 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, sur le droit d'accès des détenus aux publications audiovisuelles, et de l'article 717-3 du code de procédure pénale, relatifs au droit d'accès à une formation professionnelle ;
- l'administration a commis une erreur de droit en fondant ces décisions sur la circulaire du 13 octobre 2009 relative à l'accès à l'informatique pour les personnes détenues, aucune disposition de cette circulaire ne s'opposant à la remise d'un micro-casque et de CD gravés ;
- il est un détenu modèle et ne constitue aucun danger pour la sécurité de l'établissement ;
- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique en considérant que le micro-casque en cause constituait un matériel informatique permettant l'envoi d'information à l'extérieur de l'ordinateur au sens de l'article 3.3 de la circulaire du 13 octobre 2009 ;
- les décisions contestées ont porté atteinte à ses droits constitutionnels d'exercer librement sa religion et de recevoir une instruction, en violation de l'alinéa 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ainsi que l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 7 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., incarcéré depuis le 14 juin 2016 à la maison centrale d'Ensisheim, a sollicité l'autorisation de recevoir et de conserver dans sa cellule un casque intégrant un microphone, ainsi que des CD-Rom gravés après téléchargement de fichiers mp3, en vue de l'apprentissage du grec ancien. Le directeur de la maison centrale d'Ensisheim lui a refusé cette autorisation, par deux décisions des 10 et 18 octobre 2016. M. A... fait appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Sous réserve du cas où postérieurement à la clôture de l'instruction le défendeur soumettrait au juge une production contenant l'exposé d'une circonstance de fait dont il n'était pas en mesure de faire état avant cette date et qui serait susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient cependant au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que les premiers juges auraient, pour statuer sur la demande de M. A..., tenu compte d'éléments de fait différents de ceux qui avaient été exposés par l'intéressé dans ses écritures et en particulier d'éléments contenus dans le premier mémoire en défense produit par le ministre de la justice postérieurement à la clôture de l'instruction et non communiqué pour ce motif. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas irrégulier du seul fait qu'il n'a pas expressément relevé que faute d'avoir produit sa défense avant la clôture d'instruction en dépit de la mise en demeure qui lui avait été adressée, le ministre devait être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés par le requérant.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, aux termes du VII de l'article 19 du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale et applicable en l'espèce : " La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles, sur un support informatique. / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ;2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue ". Ces dispositions reprennent à l'identique celles de l'article D. 449-1 du même code sur le fondement desquelles est intervenue la circulaire n° JUSK0940021C du 13 octobre 2009, relative à l'accès à l'informatique pour les personnes placées sous main de justice et qui continue, par conséquent, de réglementer les conditions d'accès des personnes détenues aux équipements et données informatiques.
6. Aux termes de l'article 3.3 de la circulaire du 13 octobre 2009: " A l'exception du lecteur de disquette, toutes les technologies permettant d'enregistrer ou d'envoyer des informations numériques vers l'extérieur de l'ordinateur sont interdites ". L'article 1.2 de la même circulaire prohibe les " (...) ports de communication permettant d'exporter ou d'enregistrer de l'information (...) ", et son article 1.5 précise que " toutes les technologies qui ne sont pas explicitement autorisées sont interdites ". Enfin, aux termes de l'article 2.3.2 de cette même circulaire : " Seuls les supports optiques (CD, DVD) audio et vidéo provenant d'éditeurs peuvent être remis aux personnes détenues après un contrôle par l'administration pénitentiaire. Seules sont autorisées les entrées de disquettes ou de supports optiques ayant fait l'objet d'une convention entre les organismes de formation et l'administration pénitentiaire. Cette convention doit stipuler que ces supports à caractère pédagogique ne contiennent pas d'informations prohibées. Ces supports autorisés doivent être marqués et doivent pouvoir être contrôlés à tout moment par les personnels pénitentiaires ".
7. M. A... ne conteste pas que le micro-casque qu'il souhaite utiliser pour l'apprentissage du grec ancien intègre un micro, qui doit lui permettre d'enregistrer sa voix, et comporte un port de communication pour être relié à un ordinateur. Ce type de matériel, qui permet notamment la téléphonie par l'internet via l'utilisation d'un ordinateur et n'est pas explicitement autorisé dans les établissements pénitentiaires, est ainsi interdit, pour des motifs de sécurité, en application de l'article 1.5 précité de la circulaire du 13 octobre 2009. Le requérant ne saurait utilement, à cet égard, se prévaloir de ce qu'il serait un détenu sans problème ne constituant, selon lui, aucun danger pour la sécurité de l'établissement. De même est sans incidence sur la légalité des refus contestés, la circonstance, postérieure, que le service informatique de l'établissement aurait accepté la livraison à un détenu d'un kit commercial d'apprentissage de l'anglais comprenant un logiciel et un micro-casque.
8. Il résulte de même des dispositions précitées de l'article 2.3.2 de la circulaire du 13 octobre 2009 que les CD et DVD en provenance de l'extérieur ne peuvent être remis à un détenu, sous le contrôle de l'administration, qu'à condition que cette remise s'inscrive dans le cadre d'une convention conclue avec un organisme de formation. Le tableau annexé à cette circulaire mentionne que les DVD autorisés en cellules doivent être fournis et marqués par l'administration pénitentiaire ou par un représentant de l'administration pénitentiaire ou provenant d'un éditeur reconnu dans un emballage permettant d'en déterminer la provenance et de vérifier l'intégrité du matériel. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est même pas allégué que l'Institut Théologique du Soir, qui dispense l'enseignement de grec ancien que souhaite suivre le requérant, ait été agréé par une convention conclue avec l'administration pénitentiaire, alors que M. A... indique, sans d'ailleurs l'établir, que les CD dont il entend obtenir la remise auraient en réalité été gravés par sa mère après téléchargement des cours depuis l'internet et qu'ainsi, ils ne peuvent être regardés comme répondant aux exigences de sécurité posées par la circulaire. Dès lors, leur remise pouvait légalement être refusée, nonobstant la circonstance, au demeurant non établie, que le requérant avait pu, dans d'autres établissements pénitentiaires, détenir en cellule des CD gravés.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'une erreur de droit au regard des conditions énoncées par la réglementation pénitentiaire en matière d'accès à l'informatique pour les personnes détenues doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 43 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : " Les personnes détenues ont accès aux publications écrites et audiovisuelles. Toutefois, l'autorité administrative peut interdire l'accès des personnes détenues aux publications contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues ".
11. Il ressort des pièces du dossier que les CD dont M. A... souhaitait la remise, contenaient des cours de grec ancien proposés par l'Institut Théologique du Soir qui avaient été téléchargés par sa mère et gravés sur ce support. Ils ne constituaient donc pas des publications audiovisuelles au sens des dispositions précitées et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières présente, par suite, un caractère inopérant.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. /Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande ". Aux termes de l'article D. 438 du même code pris pour l'application de ces dispositions : " Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer la formation professionnelle des personnes incarcérées qui le souhaitent. / Le service pénitentiaire d'insertion et de probation détermine, en liaison avec les chefs des établissements auprès desquels il intervient, les actions de formation professionnelle au bénéfice des personnes placées sous main de justice dans les conditions fixées par l'article D. 573 (...) ".
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... qui n'était inscrit à l'Institut théologique du Soir que comme auditeur libre, y suivait, à la date des refus contestés, des enseignements de grec ancien dans le cadre d'un projet professionnel devant le mener, comme il le soutient, à l'exercice de la charge de pasteur. Dans ces conditions, et dès lors que les décisions de refus qui lui ont été opposées sont justifiées, ainsi qu'il a été dit plus haut, par la nécessité de garantir le respect de l'ordre et de la sécurité en détention, dans le cadre du dispositif réglementaire prévu à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 717-3 du même code doit être écarté.
14. En dernier lieu, l'interdiction faite à M. A..., pour des motifs de sécurité, de recevoir un micro-casque et des CD gravés pour étudier le grec ancien n'est de nature, ni à l'empêcher d'exercer librement la religion de son choix, ni à porter atteinte à sa liberté de conscience, pas plus qu'elle n'est susceptible d'empêcher l'intéressé de bénéficier d'une instruction ou de porter atteinte à son droit à la formation professionnelle, alors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu, que le matériel informatique refusé à l'intéressé serait le seul moyen ou le seul support nécessaire à l'apprentissage de cette langue et que le requérant ne conteste pas que l'institut auprès duquel il suit ses cours propose un enseignement sur support papier, autorisé par l'administration pénitentiaire. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que les décisions contestées porteraient atteinte tant à ses droits constitutionnel d'exercer librement sa religion et de recevoir une instruction, protégés par l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qu'à sa liberté de conscience et de religion telle que garantie à l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler les décisions des 10 et 18 octobre 2018 par lesquelles le directeur de la maison centrale d'Ensisheim a refusé de l'autoriser à recevoir un micro-casque ainsi que des CD gravés aux fins d'apprentissage du grec ancien.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
16. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
17. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de la maison centrale d'Ensisheim de lui accorder l'autorisation sollicitée, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC00320 2