Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00247 le 28 janvier 2020, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 7 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- les éléments tirés de la base de données " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO), relatifs aux soins disponibles dans son pays d'origine, ne lui ont pas été communiqués ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 novembre 2020, l'instruction de l'affaire a été rouverte.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe, est entré sur le territoire français le 27 juillet 2014, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 décembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2016. M. A... a ensuite bénéficié, en raison de son état de santé, d'un titre de séjour, valable du 24 avril 2017 au 23 avril 2018. Le 26 février 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 7 mai 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A... fait appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la circonstance que le préfet du Bas-Rhin n'a pas communiqué au requérant la fiche relative à la Fédération de Russie contenue dans la base de données " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre l'avis du 22 novembre 2018, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, aucune disposition de nature législative ou règlementaire, ni aucun principe général du droit n'imposant une telle communication, préalablement à l'intervention d'une décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière doit être écarté comme inopérant.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une dystonie généralisée avec choréo-athétose consécutive à un ictère néonatal, pour laquelle il bénéficie, outre d'un suivi neurologique, d'un traitement médicamenteux et de séances régulières de kinésithérapie. L'intéressé a également présenté une surdité justifiant la mise en place d'un appareillage en France et une prise en charge orthophonique. Il souffre enfin d'une hépatite C pour laquelle il est suivi par un gastroentérologue. Pour refuser à M. A... le titre de séjour qu'il avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 22 novembre 2018 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que M. A... pouvait voyager sans risque.
6. Les pièces produites par le requérant, notamment les certificats médicaux, courriers et ordonnances émanant de deux médecins neurologues, d'un médecin généraliste et d'une orthophoniste, qui se bornent à mentionner les caractéristiques de ses pathologies et la prise en charge dont il fait l'objet, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Par ailleurs, si M. A... fait état du retard accusé par le système de santé russe, des inégalités entre régions et dans l'accès aux soins selon les ressources des patients, du manque de professionnels qualifiés, notamment en Tchétchénie, ainsi que du caractère inutilisable des équipements médicaux, il se prévaut pour l'essentiel, sur ce point, d'un rapport de l'OSAR, déjà ancien, daté du 8 septembre 2015, sur la situation du système de santé en Tchétchénie, qui ne permet pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII, par le préfet du Bas-Rhin. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne disposerait pas de ressources suffisantes lui permettant d'accéder, dans son pays d'origine, aux soins nécessités par son état de santé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 7 mai 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC00247