Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02278 le 17 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en Champagne du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2019, par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- c'est à tort que le préfet a estimé qu'elle n'avait pas transmis son dossier médical à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a été pris en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovare, est entrée en France, selon ses déclarations, le 24 août 2015, accompagnée de ses deux enfants mineurs, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile initiale et ses demandes de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont les décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Le 21 août 2017, Mme A... a sollicité du préfet de l'Aube la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", pour raisons de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 12 octobre 2018 elle a en outre sollicité son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir une promesse d'embauche. Par un arrêté du 11 mars 2019, le préfet de l'Aube a rejeté cette double demande, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à 1'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 mars 2019 :
2. En premier lieu, l'arrêté du 11 mars 2019 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il satisfait ainsi à l'obligation de motivation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté aurait été pris sans examen préalable de la situation de la requérante.
3. En deuxième lieu, Mme A... conteste l'affirmation figurant dans l'arrêté du préfet de l'Aube du 11 mars 2019 selon laquelle, après le dépôt en préfecture, le 7 février 2018, d'une demande de carte de séjour temporaire pour raison de santé, elle n'a pas transmis son dossier médical à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle produit à cet effet l'avis de réception de l'envoi en recommandé d'un pli adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, portant la date du 27 février 2018. Toutefois, cet avis de réception ne comporte aucune mention lisible du nom de l'expéditeur et n'est accompagné d'aucun courrier ou document, même non couverts par le secret médical, contenus dans ce pli. Le préfet de l'Aube fait par ailleurs état de l'indication fournie le 1er mars 2019 par la direction territoriale de Reims de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle l'intéressée ne disposait d'aucun dossier ouvert au sein de l'office. Dès lors, il n'est pas établi que le motif de rejet de la demande de Mme A... tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raison de santé serait entaché d'une erreur de fait.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France en 2015 à l'âge de 33 ans, est la mère de deux enfants, nés en 2009 et 2010. Si elle s'est prévalue d'une promesse d'embauche manuscrite d'un particulier, pour un temps de travail de 100 heures par mois et sur la base d'une rémunération brute de 10,87 euros de l'heure, ce document ne comporte aucune précision sur la nature des fonctions confiées à l'intéressée, ni aucune garantie de maintien de la rémunération annoncée alors que le préfet fait valoir sans être contredit que l'auteur de cette promesse d'embauche ne dispose elle-même que de faibles ressources. La circonstance que les enfants de la requérante soient scolarisés et, comme elle, aient démontré une bonne intégration en France ne fait pas obstacle, en l'espèce, à ce que la vie familiale et la scolarité des enfants puissent se poursuivre dans le pays de renvoi. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de la requérante, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et n'a dès lors pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des considérations humanitaires et motifs exceptionnels que l'intéressée a fait valoir sur le fondement de l'article L. 313-14, précité, ou des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de celle-ci.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A....
Sur les frais liés à l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC02278