Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001082 du tribunal administratif de Nancy du 24 septembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il s'est livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 février 2021 et 15 février 2022, M. B... A..., représenté par Me Jeannot, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 12 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, président-assesseur,
- et les observations de Me Jeannot pour M. A....
Le 10 mars 2022, postérieurement à l'audience, M. A... a déposé une note en délibéré.
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé du jugement :
1. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
2. M. A..., ressortissant ivoirien né le 17 novembre 2001, de nationalité ivoirienne, est entré en France seul en août 2017, selon ses déclarations. Pris en charge par une association, il a suivi sa scolarité avec suffisamment d'assiduité et de sérieux pour être sélectionné par les Compagnons du Devoir de Jarville-la-Malgrange en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en menuiserie par la voie de l'apprentissage. Il produit notamment un contrat d'apprentissage estampillé par les Compagnons du Devoir, conclu le 23 août 2019, avec la société Menuiserie Receveur à Germonville pour la période du 2 septembre 2019 au 31 août 2021, une demande d'autorisation de travail souscrite le 21 août 2019 par cette société et une promesse d'embauche établie le 31 janvier 2020 par la même société. Compte tenu de ces circonstances très particulières, notamment le jeune âge de l'intéressé, son investissement dans ses études et les perspectives professionnelles qu'il peut en attendre, le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il s'est livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 313-14.
3. Par suite, les conclusions à fin d'annulation du préfet de Meurthe-et-Moselle ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. A...:
4. L'arrêté contesté a été annulé par le tribunal, lequel a en outre ordonné au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de M. A... tendant à ce que la cour annule l'arrêté contesté et enjoigne au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sont, dès lors, sans objet.
Sur les frais de l'instance :
5. M. A... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot, avocate de M. A..., de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1 : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Jeannot, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Rees, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mis à disposition au greffe, le 30 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé : P. Rees La présidente,
Signé : S. Vidal
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
N° 20NC03018 2
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