Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, complétée par un mémoire enregistré le 23 novembre 2017, M. C... et MmeD..., représentés par la SCP A. Levi-Cyferman et L. Cyferman, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 25 juillet 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de les autoriser à déposer une demande d'asile en France et de leur délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SCP A. Levi-Cyferman et L. Cyferman sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C...et Mme D...soutiennent que :
- les arrêtés portant transfert aux autorités italiennes sont insuffisamment motivés ;
- ils méconnaissent les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- ils méconnaissent également les dispositions de l'article 3 § 2 du même règlement ;
- ils portent une atteinte disproportionnée au respect dû à leur vie privée et familiale et méconnaissent ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2018.
M. C...et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de ce que les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 juillet 2017 décidant le transfert de M. C...et Mme D...aux autorités italiennes seraient insuffisamment motivés.
2. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ". L'article 17 du même règlement dispose : " 1. (...) chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
3. Les appelants font valoir qu'ils ont toujours voulu trouver refuge, non pas en Italie mais en France, pays dans lequel la soeur de MmeD..., qui a acquis la nationalité française, exerce la profession de commerçante. Ils indiquent également qu'en cas de rejet de leurs demandes d'asile en Italie, ils pourraient être reconduits vers l'Arménie, pays dans lequel ils craignent pour leur vie et leur liberté. Toutefois, si M. C...et Mme D...font état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, ils n'établissent pas que cette circonstance exposerait leurs demandes d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ils ne démontrent pas davantage qu'ils seraient personnellement exposés à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, la seule circonstance que la soeur de Mme D...réside régulièrement en France ne suffit pas à considérer qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de leurs demandes d'asile, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...et sa compagne, MmeD..., tous deux ressortissants arméniens, sont entrés sur le territoire français le 16 octobre 2016 sous couvert de visas délivrés par les autorités italiennes. A la date des arrêtés attaqués, M. C...et Mme D... ne séjournaient donc sur le territoire français que depuis moins d'un an. Dès lors qu'ils font l'objet l'un et l'autre d'une décision de transfert aux autorités italiennes, ils pourront, si leurs demandes d'asile sont acceptées, poursuivre leur vie familiale en Italie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, les moyens tirés par M. C...et Mme D...de ce que les arrêtés décidant leur transfert aux autorités italiennes porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils ont été pris et méconnaîtraient par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02643