Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2018, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801569 du 18 septembre 2018 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B...soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, en l'absence de délégation de signature ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas spécialement motivée, en méconnaissance de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision relative au délai de départ volontaire méconnaît les articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors que : le préfet n'a pas motivé sa décision de ne pas déroger au délai de départ volontaire prévu par la directive ; il a commis une erreur de droit en se bornant à retenir le délai de départ volontaire fixé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner les circonstances propres à sa situation, comme l'exige la directive ; le délai qu'il lui a accordé n'est pas approprié ;
- elle n'a pas été mise à même de présenter des observations sur le délai de départ volontaire, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit un mémoire, enregistré le 29 avril 2019.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B..., née le 26 juin 1989 à Bayan, en Azerbaïdjan, est entrée de manière irrégulière en France le 29 janvier 2013. A la suite du rejet de sa demande d'asile, elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Le 23 juin 2016, elle a sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du 1er juin 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
2. Mme B...relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle :
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est vu accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dès lors, il n'y a plus lieu de surseoir à statuer sur la requête, ni de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :
4. La requérante reprend en appel le moyen qu'elle a soulevé en première instance, tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Elle reproduit à l'identique l'argumentation développée devant le tribunal administratif, sans présenter le moindre élément de fait ou de droit nouveau. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne les autres moyens relatifs au refus de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. Mme B...fait valoir sa présence en France avec sa fille mineure depuis cinq ans et demi à la date de l'arrêté contesté, ses efforts d'intégration et son impossibilité de retourner en Russie, pays qu'elle a fui et dans lequel elle n'est pas admise au séjour. Toutefois, en dépit de l'ancienneté de son séjour en France et de ses efforts d'intégration, elle ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale que sa fille. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue de toute attache en Russie, où elle déclare avoir vécu avant son arrivée en France et n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'impossibilité qu'elle allègue d'y retourner et d'y reconstituer sa cellule familiale. Elle n'établit pas davantage être dans l'impossibilité de reconstituer cette cellule en Azerbaïdjan, pays dont elle a la nationalité. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, dont la décision n'a au demeurant ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de sa fille mineure, n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur de cette dernière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens relatifs à l'obligation de quitter le territoire français :
9. Pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 6 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne les autres moyens relatifs à la décision relative au délai de départ volontaire :
10. La requérante reprend en appel les moyens qu'elle a soulevés en première instance, tirés du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français, du défaut de motivation de la décision relative au délai de départ volontaire, de l'absence de procédure contradictoire et de la violation de son droit à être entendue préalablement à l'édiction de la décision relative au délai de départ volontaire, de l'erreur de droit que le préfet a commise en se bornant à retenir le délai de départ volontaire fixé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans examiner les circonstances propres à chacune de leurs situations, ainsi que du caractère inapproprié à sa situation du délai de trente jours fixé par le préfet.
11. Pour chacun de ces moyens, la requérante reproduit à l'identique l'argumentation développée devant le tribunal administratif, sans présenter le moindre élément de fait ou de droit nouveau. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne les autres moyens relatifs à la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision fixe avec une précision suffisante le pays à destination duquel Mme B...pourra être éloignée en indiquant qu'il s'agit de tout pays dans lequel elle est légalement admissible.
13. En deuxième lieu, la circonstance que Mme B...ne soit admissible ni en Russie ni en Azerbaïdjan est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Au demeurant, l'intéressée n'apporte aucun élément à l'appui de ces allégations, alors qu'elle est née en Azerbaïdjan et a vécu en Russie, pas plus qu'elle n'établit avoir présenté une demande en vue de se voir reconnaître le statut d'apatride.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, Mme B...n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité des risques allégués en cas de retour en Russie.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire et au sursis à statuer.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC02844