Par une requête enregistrée le 2 !3 juillet 2016, Mme A...B...épouseC..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802683 du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté du 2 février 2018 ;
3°) d'ordonner au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de la rétablir dans ses droits au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C...soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est entaché d'irrégularité, dès lors que le nom du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant établi le rapport médical ne figure pas dans cet avis ; il n'est pas établi que ce médecin n'a pas siégé dans le collège des médecins, ce qui l'a privée d'une garantie ; l'avis est incomplet, dès lors qu'il ne se prononce pas sur la possibilité de prise en charge médicale dans son pays d'origine et sur les soins nécessités par son état de santé ;
- c'est à tort que le tribunal lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B...épouseC..., ressortissante kosovare née en 1982, est entrée irrégulièrement en France le 23 juin 2013 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée, de même que sa demande d'admission au séjour en raison de son état de santé. Elle a réitéré cette seconde demande le 19 juillet 2017. Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.
2. Mme C...relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 313-22 du même code prévoit que : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code prévoit que : " Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet son avis conformément au modèle figurant à l'annexe C de cet arrêté.
4. En premier lieu, le modèle figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé ne prévoit pas la mention de l'identité de l'auteur du rapport médical prévu par l'article R. 313-22 précité. Par suite, la circonstance que l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2017 ne comporte pas cette mention n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la décision prise par le préfet au vu de cet avis.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier électronique de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er juin 2018, produit par le préfet devant le tribunal, que l'auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui s'est prononcé le 15 novembre 2017 sur l'état de santé de Mme C....
6. En troisième lieu, il ressort de cet avis que le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne s'est pas prononcé sur les soins nécessités par l'état de santé de l'intéressée, ni sur la possibilité, pour elle, de bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé, contrairement à ce que prévoit l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. Toutefois, le collège de médecins a estimé que le défaut de la prise en charge médicale que nécessite l'état de santé de Mme C... ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ajoutant qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Ainsi, le défaut de ces informations n'a privé l'intéressée d'aucune garantie et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris une autre décision s'il en avait disposé. Par suite, ces omissions sont sans incidence sur la légalité du refus de séjour en litige.
Sur l'aide juridictionnelle :
7. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes. Il est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive (...) ". Aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle peut (...) intervenir d'office. (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle ".
8. Il résulte de l'instruction qu'avant d'introduire sa demande auprès du tribunal administratif de Strasbourg, Mme C...avait déjà fait l'objet de deux refus de séjour assortis de mesures d'éloignement, les 29 septembre 2014 et 10 mars 2016, dont la légalité avait été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg et par la cour administrative d'appel de Nancy, en dernier lieu par un arrêt du 23 novembre 2017. Toutefois, cette circonstance ne lui interdisait pas de contester une nouvelle décision prise à son encontre et, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, aucune instance n'était pendante devant la cour à la date à laquelle elle a saisi le tribunal de sa demande dirigée contre l'arrêté contesté du 2 février 2018. Par ailleurs, si Mme C...avait déjà présenté une demande de titre de séjour en raison de son état de santé, rejetée par décision du 10 mars 2016, sa nouvelle demande, présentée le 19 juillet 2017, était fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 7 mars 2016, entrées en vigueur le 1er janvier 2017.
9. Dans ces conditions, la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ne peut être regardée comme présentant un caractère abusif ou dilatoire.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Elle n'est, en revanche, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Dès lors, le surplus de ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802683 du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a retiré à Mme A...B...épouse C...le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Rees, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Signé : P. REES Le président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC02062