Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2017, les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs, représentées par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté leurs conclusions en excès de pouvoir ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'arrêté préfectoral n° 885 est entaché d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le bassin de vie des deux communes est situé à Neufchâteau dans les Vosges et que le préfet ne pouvait se fonder sur le schéma de cohérence territoriale (SCOT) dont le périmètre n'était pas encore arrêté, ni d'ailleurs sur le plan local d'urbanisme intercommunal qui n'avait pas à être pris en compte et n'était même pas en cours d'élaboration ;
- de même, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les enfants des communes étaient scolarisés en Haute-Marne et que les deux communes dépendaient de la commune de Bourmont en ce qu'elle disposait d'un collège, d'une maison de santé et d'un centre de première intervention ;
- la décision ne pouvait être fondée sur un motif juridiquement erroné tiré de ce qu'il fallait éviter le départ d'autres communes ;
- l'arrêté préfectoral n° 907 est illégal en conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 885 pour l'application duquel il a été pris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant de l'arrêté n° 885, les textes n'imposent pas de prendre en compte les bassins de vie pour le rattachement de communes à un établissement public de coopération intercommunale ;
- le préfet était tenu de modifier le périmètre de la communauté de communes de la Vallée du Rognon qui comportait moins de 5 000 habitants et de respecter la procédure prévue par les textes afin de permettre une fusion avec la communauté de communes de Bourmont, Breuvannes, Saint-Blin à laquelle appartiennent les deux communes dont la situation n'a pas été modifiée ; en l'absence d'obligation législative et d'amendement adopté par la commission départementale de coopération intercommunale de Haute-Marne, le préfet ne disposait d'aucune base légale pour prévoir le rattachement des deux communes requérantes à la communauté de communes du Bassin de Neufchâteau ;
- l'arrêté ne méconnaît pas les textes applicables, dès lors que la prise en compte du bassin de vie n'est qu'une orientation parmi d'autres et non une obligation et que les autres critères du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales ont été respectés en l'espèce, tels que le nombre minimum d'habitants et l'objectif de cohérence spatiale dès lors que les habitants des deux communes disposent de services à Bourmont, que les deux communautés de communes fusionnées appartiennent au même syndicat mixte porteur du SCOT de l'arrondissement de Chaumont, substitué depuis le 1er janvier 2016 à l'association du Pays de Chaumont à laquelle les deux communautés de communes ont adhéré, et que le périmètre du SCOT a été arrêté par le préfet le 21 décembre 2015 ;
- l'arrêté du 4 avril 2016 n'est donc pas illégal par voie de conséquence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs.
Considérant ce qui suit :
1. Les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs, situées dans le département de la Haute-Marne et en limite de celui des Vosges, appartiennent depuis le 1er janvier 2013 à la communauté de communes de Bourmont, Breuvannes, Saint-Blin dont tous les membres se trouvent dans le département de la Haute-Marne. Pour l'application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale, qui prévoit une augmentation du nombre minimum d'habitants résidant sur le territoire de chaque établissement public de coopération intercommunale, le préfet de la Haute-Marne a, le 29 mars 2016, défini le schéma départemental de coopération intercommunale et les cartes de la Haute-Marne en prévoyant la fusion de la communauté de communes de Bourmont, Breuvannes, Saint-Blin avec la communauté de communes de la Vallée du Rognon. Par arrêté du 4 avril 2016, pris pour l'application de l'article 35 de la loi du 7 août 2015, le préfet a délimité le projet de périmètre de la communauté de communes issue de la fusion en y incluant les deux commune requérantes.
2. Les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs, qui souhaitent être rattachées à la communauté de communes de Neufchâteau située dans le département des Vosges, interjettent appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux arrêtés préfectoraux du 29 mars et du 4 avril 2016.
Sur la légalité de l'arrêté n° 885 du 29 mars 2016 :
3. Aux termes de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :" I. - Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. / II. - Ce schéma prévoit également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants. / Il peut proposer la création, la transformation ou la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la modification de leurs périmètres. (...) / Ces propositions sont reportées sur une carte annexée au schéma comprenant notamment les périmètres des établissements public de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, des schémas de cohérence territoriale et des parcs naturels régionaux. / III. - Le schéma prend en compte les orientations suivantes : / 1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 15 000 habitants ; toutefois, ce seuil est adapté, sans pouvoir être inférieur à 5 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi que pour les projets d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : / a) Dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité nationale, au sein d'un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale ; le seuil démographique applicable est alors déterminé en pondérant le nombre de 15 000 habitants par le rapport entre la densité démographique du département auquel appartiennent la majorité des communes du périmètre et la densité nationale ; (...) / 2° La cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; / 3° L'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale (...) " .
4. Les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs font d'abord valoir que leur bassin de vie se trouve exclusivement dans celui de la commune de Neufchâteau située dans le département des Vosges où leurs habitants trouvent les services dont ils ont besoin. S'il n'est pas contesté que le bassin de vie des deux communes est partiellement situé dans celui de Neufchâteau, il ressort cependant des pièces du dossier que les communes sont également situées dans le bassin de vie des communes de la Haute-Marne qui forment avec elles la communauté de communes de Bourmont, Breuvannes, Saint-Blin. En effet, elles ne sont éloignées de Bourmont que de 11 kilomètres, alors que Neufchâteau se trouve à 11 kilomètres de Harréville-les-Chanteurs et à 15 kilomètres de Goncourt. De plus, elles sont rattachées à des communes de Haute-Marne pour les services d'incendie et de secours et notamment au SDIS de Iloud en Haute-Marne même si elles peuvent l'être également, dans certains cas, à celui de Liffol-le-grand situé dans les Vosges. En ce qui concerne les services scolaires, elles dépendent uniquement d'établissements situés en Haute-Marne, à Harréville-les-Chanteurs pour l'école primaire, à Bourmont pour le collège et à Chaumont pour le lycée, alors même que les communes ont conclu des accords avec la commune de Neufchâteau pour l'utilisation de sa piscine par les scolaires et sans qu'ait d'influence sur ce rattachement le fait que le marché de transport des enfants ait été passé avec une entreprise ayant un établissement secondaire à Neufchâteau. Il n'est par ailleurs pas contesté que les deux commune font partie d'un syndicat d'assainissement collectif de la Haute-Marne et le ministre de l'intérieur soutient sans être contredit que la commune de Bourmont comporte, outre le collège, une maison de santé, des médecins et des commerces.
5. Ensuite, les deux communes sont engagées dans l'élaboration d'un SCOT dont le périmètre comprend la communauté de communes à laquelle elles appartiennent. Ainsi, même si le SCOT n'est pas encore élaboré, son périmètre est défini, dès lors que par arrêté du 21 décembre 2015, le préfet de la Haute Marne a créé le syndicat mixte du pays de Chaumont chargé de l'élaboration du SCOT du Pays-de-Chaumont en fixant la liste des communes et communautés de communes faisant partie du périmètre du SCOT, parmi lesquels se trouvent les deux communes requérantes. Par délibération du 11 mars 2016, le comité du syndicat mixte a prescrit l'élaboration du SCOT. Par suite, et même si le SCOT n'était pas encore édicté à la date de l'arrêté préfectoral contesté, la cohérence spatiale résultant notamment du SCOT pouvait être prise en compte pour l'application de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités locales. De même était également en cours d'élaboration un plan local d'urbanisme intercommunal intégrant les deux communes requérantes avec d'autres communes situées exclusivement en Haute-Marne.
6. Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est sans erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation, que le préfet a pris en considération, pour l'application du critère de cohérence spatiale mentionné par l'article L. 5210-1-1, notamment les bassins de vie situés dans la Haute-Marne auxquels appartiennent les commune de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs. Les circonstances que le SCOT et le plan local d'urbanisme intercommunal, qui incluent ces communes, sont en cours d'élaboration entre des communes exclusivement situées en Haute-Marne, n'interdisaient pas au préfet d'en tenir compte pour prendre sa décision alors, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes de Neufchâteau, après avoir voté un amendement acceptant les communes requérantes, a ensuite voté en sens contraire. Rien n'indique dans ces conditions que les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs pourraient faire partie de la communauté de communes de Neufchâteau. De plus, la communauté de communes créée par le rattachement de la communauté de communes de Bourmont, Breuvannes, Saint-Blin avec celle de la Vallée du Rognon, qui comportait moins de 5 000 habitants, devait nécessairement pour former un ensemble cohérent, être rattachée à une autre communauté de communes en application des nouvelles exigences de la loi.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral n° 907 du 4 avril 2016 :
7. Les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs ne développent pas de moyens propres à l'encontre de cet arrêté et demandent seulement son annulation par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2013. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus que leur moyen ne peut être accueilli.
8. Il résulte de ce qui précède que les communes de Goncourt et Harréville-les-Chanteurs ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les communes requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Goncourt et de Harréville-les-Chanteurs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Goncourt, à la commune de Harréville-les-Chanteurs et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.
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N° 17NC00152