La société MDVP Distribution soutient que :
- la cour administrative d'appel est compétente pour connaître du litige dès lors que, si le permis de construire a pour objet une surface de vente de 999 m², il a pour effet de porter à 3 023 m² la surface de vente de l'ensemble commercial existant, dans lequel s'inscrit le projet ; il doit donc être regardé comme un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ; en outre, la SNC Lidl a l'intention d'étendre ultérieurement sa surface de vente déclarée ;
- la requête est recevable dès lors qu'elle n'est pas tardive et que le projet affecte son activité située dans la zone de chalandise ;
- le certificat de permis de construire tacite ne vise pas la loi du 18 juin 2014 et le décret du 15 février 2015 et ne mentionne pas avoir été précédé d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ;
- dès lors que le projet s'inscrit dans un ensemble commercial de plus de 1 000 m² de surface de vente et qu'il comporte lui-même une surface de vente supérieure à 1 000 m², le maire ne pouvait que s'estimer saisi d'une demande de permis de construire relative à un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale qu'il devait transmettre au secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article R. 423-13-2 du code de l'urbanisme ;
- en ne transmettant pas la demande de la SNC Lidl, le maire de la commune de Sedan a commis un détournement de procédure ;
- le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne pouvait être légalement délivré sans un avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial ;
- le permis de construire a été délivré en méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce dès lors que le projet est implanté sur le même terrain que celui qui a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial le 8 octobre 2015, qu'il ne tient pas compte de cet avis et ne comporte pas de modification substantielle par rapport au premier projet ;
- le permis de construire litigieux ne respecte aucun des critères prévus par l'article L. 752-6 du code de commerce.
Par un mémoire en défense, enregistré 7 septembre 2017, la commune de Sedan, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société MDVP Distribution à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Sedan soutient que le projet de la SNC Lidl n'est pas soumis au régime de l'autorisation d'exploitation commerciale et que, par voie de conséquence, la requête est irrecevable.
Par une intervention volontaire, enregistrée le 13 septembre 2017, la commission nationale d'aménagement commercial demande à la cour de faire droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par la société MDVP Distribution.
La commission nationale d'aménagement commercial soutient que le projet litigieux ne respecte pas les motifs de son avis du 8 octobre 2015 et que le permis de construire est entaché d'un détournement de procédure.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre 2017 et 18 janvier 2018, la SNC Lidl, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société MDVP Distribution à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SNC Lidl soutient que :
- le litige ne relève pas de la compétence de la cour administrative d'appel ;
- la société MDVP Distribution est dépourvue d'intérêt pour agir contre le permis de construire litigieux ;
- le permis de construire attaqué n'est entaché d'aucune illégalité ;
- subsidiairement, ce permis de construire est susceptible d'être régularisé par un permis de construire modificatif délivré le 23 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de commerce,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la société MDVP Distribution, de Me D..., pour la commune de Sedan, ainsi que celles de MeB..., pour la SNC Lidl.
Une note en délibéré présentée par la commune de Sedan a été enregistrée le 19 avril 2018.
Une note en délibéré présentée par la SNC Lidl a été enregistrée le 24 avril 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Depuis novembre 1994, la SNC Lidl exploite rue des Forges à Sedan un supermarché doté d'une surface de vente de 720 m². Afin d'accroître sa surface de vente, la SNC Lidl a présenté le 17 décembre 2014 une demande de permis de construire pour un projet consistant en la démolition du bâtiment existant et d'un bâtiment accolé, suivie de la construction d'un nouveau supermarché à l'enseigne " Lidl ", d'une surface de vente portée à 1 275 m². Le 18 mai 2015, la commission départementale d'aménagement commercial des Ardennes s'est prononcée en faveur du projet et, par un arrêté du 15 juin 2015, le maire de la commune de Sedan a délivré le permis de construire. Cependant, le 8 octobre 2015, à la suite d'un recours de la société MDVP Distribution, qui exploite à Sedan un magasin à l'enseigne " Carrefour market ", la commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser le projet de la SNC Lidl.
2. La société MDVP Distribution a alors présenté devant la cour administrative d'appel de Nancy une requête tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 15 juin 2015, tandis que la SNC Lidl introduisait une requête tendant à l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 8 octobre 2015. Par un arrêt nos 15NC02531 et 16NC00013 du 27 avril 2017, la cour a annulé le permis de construire et rejeté la requête de la SNC Lidl.
3. La SNC Lidl a déposé parallèlement, le 13 octobre 2016, une nouvelle demande de permis de construire en vue de réaliser un supermarché d'une surface de vente de 999 m². En l'absence de décision expresse du maire, un permis de construire tacite est né le 14 mars 2017. La société MDVP Distribution sollicite l'annulation de cette décision.
Sur l'intervention de la commission nationale d'aménagement commercial :
4. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la SNC Lidl avait présenté un premier projet comportant une surface de vente de 1 275 m², pour lequel la commission nationale d'aménagement commercial avait, le 8 octobre 2015, émis un avis défavorable. La commission nationale d'aménagement commercial fait valoir que le projet autorisé par la décision attaquée, dont la surface de vente excède en réalité 1 000 m², était soumis à une autorisation d'exploitation commerciale et que la SNC Lidl s'est ainsi soustraite aux conséquences de son avis défavorable.
5. La commission nationale d'aménagement commercial justifie ainsi d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la requête de la société MDVP Distribution.
Sur la compétence de la cour :
6. Selon l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévue à l'article L. 425-4 ".
7. L'article L. 600-1-4, introduit dans le code de l'urbanisme par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".
8. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente ".
9. Aux termes de l'article L. 425-4 du même code : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ".
10. Enfin, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " I. - Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) / 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ".
11. Il est constant que le projet autorisé par le permis de construire attaqué prévoit la construction d'un magasin d'une surface de vente de 999 m2. La société MDVP soutient toutefois que la société Lidl a délibérément minoré l'importance de son projet qui s'inscrit dans un ensemble commercial de plus de 1 000 m² de surface de vente et qu'il comporte lui-même une surface de vente supérieure à 1 000 m².
12. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que si le projet de la SNC Lidl est implanté sur le même site que des magasins existants, il bénéficie d'un accès propre depuis la voie publique et que cet accès ne permet pas à la clientèle de se rendre ensuite dans les établissements voisins. En outre, il est constant que le projet n'a pas été conçu dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier avec les autres magasins, que ces magasins ne font pas l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation et qu'ils ne sont pas réunis par une structure juridique commune. Par conséquent, le magasin projeté par la SNC Lidl n'appartient pas à un ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code de commerce et ne relève ainsi pas du 5° de son article L. 752-1.
13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la description des caractéristiques du projet, de la notice descriptive d'accessibilité aux personnes handicapées et du plan d'aménagement au sol figurant dans le dossier de demande de permis de construire, que la surface de vente déclarée de 999 m² correspond à celle, inférieure à 1 000 m², figurant dans les plans joints au dossier. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que les espaces affectés à la boulangerie et au local attenant de préparation des pains, constituent des surfaces de vente au sens de l'article L. 752-1 précité dès lors qu'ils ne sont pas accessibles au public ni en communication directe avec celui-ci. Il en va de même des espaces intérieurs désignés comme des réserves, qui sont séparés de la surface de vente par des cloisons non amovibles. Ainsi, la surface de vente du projet, qui correspond à la surface de vente déclarée, est inférieure à 1 000 m².
14. La surface de vente du magasin que la société Lidl souhaite exploiter étant inférieure à 1 000 m2, le permis de construire attaqué ne peut être regardé en tout état de cause comme tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en application des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce.
15. Est, à cet égard, sans incidence l'allégation selon laquelle la société Lidl aurait, sous couvert d'un permis obtenu pour un projet comportant une surface de vente inférieure à 1 000 m², l'intention d'exploiter ultérieurement une surface de vente supérieure à cette limite.
16. Par suite, la commune de Sedan et la SNC Lidl sont fondées à soutenir que le litige relatif à ce permis de construire ne relève pas, en principe, de la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d'appel.
Sur l'application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative :
17. Toutefois, aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ".
18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire litigieux en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont dépourvues d'objet. Par conséquent, la commune de Sedan et la SNC Lidl sont fondées à soutenir que ces conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante sont irrecevables.
19. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
20. La société MDVP Distribution se prévaut exclusivement de la qualité de professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet. Au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 précité, cette seule qualité n'est pas de nature à lui conférer un intérêt pour agir contre le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation de construire. Par ailleurs, la requérante n'établit pas ni même n'allègue, que les caractéristiques particulières de la construction envisagée seraient de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du magasin qu'elle exploite, distant du projet de plusieurs centaines de mètres. Dès lors, la commune de Sedan et la SNC Lidl sont fondées à soutenir que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables.
21. L'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées par la société MDVP Distribution présente un caractère manifeste et n'est pas susceptible d'être régularisée en cours d'instance. Par suite, la cour est compétente par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative pour rejeter la requête présentée par la société MDVP.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sedan qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société MDVP demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société MDVP les sommes demandées par la commune de Sedan et la SNC Lidl au titre de ces mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article1er : L'intervention de la commission nationale d'aménagement commercial est admise.
Article 2 : La requête de la société MDVP Distribution est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Sedan et de la SNC Lidl tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MDVP Distribution, à la commune de Sedan et la SNC Lidl.
Copie en sera adressée à la commission nationale d'aménagement commercial.
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N° 17NC01091