Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2017, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 mars 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 14 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, le cas échéant, de l'article L. 313-14 du même code sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me B...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...soutient que :
- l'arrêté du 14 juin 2016 a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- aucune décision de refus d'autorisation de travail ne lui a été notifiée ;
- la DIRECCTE était incompétente pour se prononcer sur sa demande d'autorisation de travail ;
- l'avis émis par la DIRECCTE méconnaît les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ;
- le préfet s'est à tort cru lié par l'avis émis par la DIRECCTE ;
- les organisations syndicales employeurs et salariés n'ont pas été consultées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- dès lors qu'il n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sa situation ne pouvait être examinée au regard tant des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais ;
- il remplit toutes les conditions pour prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;
- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2017, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2018.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'avenant du 25 février 2008 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant sénégalais, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en février 2011. Le 13 avril 2016, il a sollicité auprès de la préfecture de la Marne la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa situation professionnelle et d'éléments de sa situation personnelle et familiale. Par un arrêté du 14 juin 2016, le préfet de la Marne a opposé un refus à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A...fait appel du jugement du 14 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le moyen commun tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 14 juin 2016 :
2. Aux termes de l'article R. 311-10 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) ". L'article L. 511-1 du même code dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Aux termes de l'article R. 512-1 de ce code : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 511-1 et L. 511-3-1 est le préfet de département (...) ". L'article R. 513-1 du même code précise : " L'autorité administrative compétente pour prononcer la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police". L'article 11-1 du décret susvisé du 29 avril 2004 dispose : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile ". L'article 43 du même décret prévoit : " Le préfet de département peut donner délégation de signature (...) 1° En toutes matières (...) au secrétaire général (...) ".
3. Les dispositions précitées des articles 11-1 et 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements autorisent les préfets de département à déléguer aux secrétaires généraux de préfecture la signature des actes pris dans l'exercice de leurs compétences en matière d'entrée et de séjour des étrangers. En l'espèce, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 22 février 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, accordé une délégation de signature à M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Marne, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. Gaudin pour signer l'arrêté contesté du 14 juin 2016 doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :
4. L'arrêté attaqué, après avoir visé les dispositions législatives et les stipulations des accords internationaux pertinentes, notamment l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A... n'établit pas disposer d'une expérience utile ni des qualifications adéquates pour exercer le métier pour lequel il présente une promesse d'embauche et qu'eu égard aux éléments de sa situation familiale qui sont précisément rappelés, il ne peut être regardé comme justifiant de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier une régularisation exceptionnelle de sa situation. L'arrêté attaqué indique ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, par suite, suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
En ce qui concerne les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit dans l'examen de la demande :
5. Lors de son déplacement en préfecture le 16 avril 2016, M. A...a sollicité la délivrance d'une carte de séjour en se prévalant d'une promesse d'embauche et de son mariage avec une ressortissante ivoirienne justifiant d'un droit au séjour en France. Au vu de ces éléments, et dès lors que M. A...ne sollicitait pas, contrairement à ce qu'il soutient en appel, la délivrance d'un titre de séjour déterminé, et notamment pas la délivrance du titre de séjour salarié prévu par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a pu à bon droit s'estimer saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour.
6. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du même code.
7. L'article L. 5221-5 du code du travail dispose : " un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnées au 2° de l'article L. 5221-2 ", c'est-à-dire " un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article L. 5221-6 du même code précise que la délivrance d'un titre de séjour ouvre droit, dans les conditions fixées aux chapitres III à VI du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exercice d'une activité professionnelle salariée.
8. Ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoit que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le cadre de ce régime d'admission exceptionnelle au séjour autorise, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail. Le dispositif de régularisation ainsi institué à l'article L. 313-14 ne peut donc être regardé comme dispensant d'obtenir cette autorisation avant que ne soit exercée l'activité professionnelle considérée.
9. Pour autant, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2. Il s'ensuit que le préfet peut statuer sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par un étranger avant d'accorder ou de refuser la délivrance d'une autorisation de travail.
10. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté du 14 juin 2016 que le préfet a transmis pour avis à l'unité territoriale compétente de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Alsace, Champagne-Ardennes et Lorraine la demande d'autorisation de travail que M. A...avait jointe à sa demande. La réponse de la DIRECCTE du 30 mai 2016 constituant un simple avis et non une décision de refus d'autorisation de travail, M. A...n'est pas fondé à se prévaloir de l'incompétence de ce service au regard des dispositions de l'article R. 5221-15 du code du travail. M. A...n'est pas plus fondé à soutenir que la procédure serait entachée d'un vice de procédure faute pour lui de n'avoir pas été destinataire de la décision de refus d'autorisation de travail prise par la DIRECCTE.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation :
11. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, depuis l'intervention de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
12. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
13. En premier lieu, la délivrance sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " n'est pas subordonnée à l'obtention préalable par l'étranger d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative. Par suite, pour refuser de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour, le préfet n'a pas à se fonder sur les critères d'appréciation énoncés par les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives à l'examen des demandes d'autorisation de travail. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme inopérant. Est également inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En second lieu, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. A... a indiqué qu'il était employé depuis 2013 en qualité de garde malade pour s'occuper d'une personne amputée des deux jambes. Il s'est également prévalu de son mariage avec une ressortissante ivoirienne résidant régulièrement en France.
15. Pour refuser d'admettre M. A...au séjour, le préfet de la Marne s'est fondé, s'agissant du titre salarié, sur le fait que l'intéressé ne justifie, ni de qualification, ni d'expérience dans l'activité professionnelle en question, et, s'agissant du titre " vie privée et familiale " sur l'absence de relations stables et suffisamment anciennes de M. A...en France.
16. M. A...ne justifie toujours pas en appel être titulaire des diplômes ou de la qualification lui permettant d'exercer la fonction de garde malade. Par ailleurs, le préfet affirme sans être contredit que les trois enfants mineurs de M.A..., âgés respectivement de 18, 8 et 7 ans, vivent toujours au Sénégal. S'il est constant que M. A...a épousé le 21 avril 2012 une ressortissante ivoirienne, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette dernière ne pourrait suivre M. A...en cas de retour de celui-ci dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. A... son admission exceptionnelle au séjour au titre tant de son activité professionnelle que de sa vie privée et familiale.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".
18. Les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
19. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.
20. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
21. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
22. Dès lors, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu, en conséquence, en l'espèce, eu égard notamment aux éléments d'information dont a pu bénéficier le requérant lors de l'instruction de sa demande d'asile et d'admission au séjour, d'écarter ce moyen.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 17NC01947