Par un recours enregistré le 27 février 2017, complété par des mémoires enregistrés les 26 septembre et 2 et 23 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire a demandé à la cour de constater qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon ou, à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 et de rejeter la demande présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon
La Commission de protection des eaux de Franche-Comté a présenté le 14 mars 2017 auprès du président du tribunal administratif de Besançon une demande en vue d'obtenir l'exécution du jugement n° 1401058 du 22 décembre 2016.
Procédure devant la cour :
Par une décision du 17 mars 2017, le président du tribunal administratif de Besançon a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy la demande d'exécution présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté.
Par un courrier du 26 juillet 2017, le ministre a informé la cour qu'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées avait été déposé le 21 février 2017 par la SCEA de la Vigne de Padoux et que ce dossier était en cours d'instruction. Il indiquait également qu'en ce qui concerne l'article 3 du jugement du 22 décembre 2016, les parcelles en cause ayant été classées comme zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole par des arrêtés des 21 février et 24 mai 2017, il était impossible au préfet de la Haute-Saône d'appliquer la décision du tribunal administratif de Besançon lui enjoignant de décider la suspension de l'exploitation de ces parcelles sans contrevenir à ces arrêtés.
Par un courrier du 6 septembre 2017, la Commission de protection des eaux de Franche-Comté a soutenu que le dépôt par la SCEA de la Vigne du Padoux d'un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats des espèces protégées, dont elle n'a pas été destinataire, ne privait pas d'objet sa demande de première instance et qu'il appartenait en tout état de cause au préfet de la Haute-Saône de prendre un arrêté décidant la suspension de l'exploitation des parcelles en cause jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur la demande de dérogation.
Par une ordonnance du 25 septembre 2017, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2017, la Commission de protection des eaux de Franche-Comté demande à la cour :
1°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire d'exécuter les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 dans un délai fixé sous astreinte, dans l'hypothèse où la cour, dans le cadre de l'instance n° 17NC000482, n'exigerait pas la remise en état des lieux dans les conditions fixées aux articles L. 162-9 et suivants du code de l'environnement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Commission de protection des eaux de Franche-Comté soutient que :
- le dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées déposé par la SCEA de la Vigne du Padoux est incomplet au regard des dispositions de l'arrêté ministériel du 19 février 2007 ; par ailleurs, ce dossier ne satisfait pas aux conditions fixées par l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;
- la circonstance que les parcelles exploitées par la SCEA de la Vigne du Padoux soient dorénavant classées comme zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole ne fait pas obstacle à ce que le préfet de la Haute-Saône décide la suspension de l'exploitation de ces parcelles jusqu'à ce qu'il statue sur la demande de dérogation.
Par ordonnance du 13 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2018.
Par lettre du 5 février 2018, des pièces complémentaires ont été demandées au ministre de la transition écologique et solidaire pour compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 12 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a répondu à la demande du 5 février 2018.
Un mémoire présenté pour la Commission de protection des eaux de Franche-Comté a été enregistré le 9 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de M. Morin, président de la commission de protection des eaux de Franche-Comté.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". L'article L. 411-2 du même code dispose : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ". Les articles R. 411-6 à R. 411-14 du code de l'environnement ainsi qu'un arrêté du 19 février 2007 déterminent les conditions dans lesquelles sont délivrées les dérogations prévues notamment au 4° de l'article L. 411-2.
2. En 2013, la SCEA de la Vigne du Padoux, société nouvellement créée, a, dans le cadre de la reconversion d'une exploitation laitière existante, entrepris des travaux de mise en culture de 78 hectares de prairie permanente situés dans les communes de Semmadon et Oigney en Haute-Saône. Par un courrier du 25 février 2014, la Commission de protection des eaux de Franche-Comté a demandé au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées pour les travaux déjà réalisés et pour les travaux à venir, si ceux-ci devaient remettre en cause l'état de conservation d'habitats d'espèces protégées. A la suite d'une visite sur place le 3 avril 2014, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne-Franche-Comté a établi le 18 avril 2014 un rapport de manquement administratif sur le fondement de l'article L. 171-6 du code de l'environnement. Par un courrier du 23 avril 2014, le préfet de la Haute-Saône a informé la Commission de protection des eaux de Franche-Comté de l'état des procédures engagées à l'encontre de la SCEA. La Commission de protection des eaux de Franche-Comté a interprété ce courrier comme une décision de rejet de sa demande du 25 février 2014 et a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une requête tendant à son annulation. Par l'article 1er de son jugement du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du préfet de la Haute-Saône du 23 avril 2014. Les articles 2 et 3 du jugement font par ailleurs droit aux conclusions en injonction présentées par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté en enjoignant à la préfète de la Haute-Saône, d'une part de mettre en demeure, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, les responsables des travaux réalisés sur les parcelles de la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées, d'autre part de prendre, en application de l'article L. 171-2 du code de l'environnement, et dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, des mesures conservatoires visant à geler l'exploitation des parcelles litigieuses en attendant qu'il ait été statué sur la demande de dérogation visée à l'article 2. La Commission de protection des eaux de Franche-Comté demande l'exécution des articles 2 et 3 du jugement du 22 décembre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'exécution :
3. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ".
En ce qui concerne l'exécution de l'article 2 du jugement :
4. Il est constant que le 21 février 2017, la SCEA de la Vigne du Padoux a, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, déposé auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne-Franche-Comté un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées. Il ne résulte pas de l'instruction que le dossier de cette demande serait incomplet au regard des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Le dépôt par la SCEA de la Vigne du Padoux d'un dossier de demande de dérogation au titre du régime de protection des habitats d'espèces protégées prive ainsi d'objet la demande de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté tendant à l'exécution de l'article 2 du jugement du 22 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon avait enjoint à la préfète du département de la Haute-Saône de mettre en demeure les responsables des travaux réalisés sur les parcelles de la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un tel dossier. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur cette demande.
En ce qui concerne l'exécution de l'article 3 du jugement :
5. Par un arrêt du même jour, la cour a annulé l'article 3 du jugement du 22 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon avait enjoint à la préfète du département de la Haute-Saône de prendre des mesures conservatoires visant à geler l'exploitation des parcelles litigieuses en attendant qu'il ait été statué sur la demande de dérogation visée à l'article 2. Par suite, la demande de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de décider la suspension de l'exploitation des parcelles mises en valeur par la SCEA de la Vigne du Padoux dans un délai à déterminer et sous astreinte ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Commission de protection des eaux de Franche-Comté demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté tendant à l'exécution de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Commission de protection des eaux de Franche-Comté, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la SCEA de la Vigne du Padoux.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
2
N° 17NC02324