Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2017, Mme B...D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 7 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, pendant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation ;
- elle n'a pas pu présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre, en méconnaissance notamment de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général du droit de l'Union européenne ; elle n'a pas été informée de son droit à être assistée d'un avocat ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre l'obligation de quitter le territoire ; le tribunal administratif n'a pas examiné ce moyen et a entaché son jugement d'un défaut de motivation sur ce point ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet s'est estimé tenu de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas suffisamment motivée ; le tribunal administratif n'a pas examiné ce moyen et a entaché son jugement d'un défaut de motivation sur ce point ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors que le préfet s'est estimé tenu par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B...D...n'est fondé et qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme B...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...D..., ressortissante angolaise née en 1971, allègue être entrée en France au mois d'avril 2012 pour y solliciter l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 novembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 septembre 2013 ; que, par un arrêté du 6 novembre 2013, le préfet de Meurthe-et-Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire ; qu'elle a également fait l'objet d'un refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire le 2 mai 2016 ; que l'OFPRA a rejeté sa demande de réexamen de sa demande d'asile par une décision du 6 septembre 2016, confirmée par la CNDA le 16 février 2017 ; que, par un arrêté du 7 juin 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai ; que Mme B...D...relève appel du jugement du 8 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que si Mme B...D...soutient que le jugement doit être annulé dès lors que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit ou d'appréciation, le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen en commettant une erreur de droit ou en entachant sa décision d'une erreur d'appréciation justifie uniquement, le cas échéant, la censure de ce motif par la cour et l'examen des moyens soulevés dans le cadre de l'effet dévolutif, mais non l'annulation du jugement pour irrégularité ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif a, par un jugement suffisamment motivé sur ce point, expressément répondu aux moyens invoqués par la requérante tirés du défaut d'examen particulier de sa situation par le préfet et du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi ; que, par suite, Mme B...D...n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
4. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, ainsi, suffisamment motivée ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B...D...avant de prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire contestée ou qu'il se serait estimé tenu de prendre à son encontre cette décision ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ; que, toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
7. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ;
8. Considérant, en outre, que si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;
9. Considérant qu'en l'espèce Mme B...D...a pu présenter les observations sur sa situation qu'elle estimait utiles dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour au titre de l'asile ; qu'en outre, alors qu'au demeurant elle avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à la suite du rejet de sa demande d'asile, elle ne pouvait ignorer qu'elle pouvait faire l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement en cas de rejet de sa demande de réexamen de sa demande d'asile ; que, par ailleurs, si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-249/13 du 11 décembre 2014, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que le ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier peut recourir, préalablement à l'adoption par l'autorité administrative nationale compétente d'une décision de retour le concernant, à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité, Mme B...D...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été empêchée de recourir à l'assistance d'un conseil juridique ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, elle ne peut être regardée comme ayant été privée de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que l'intéressée se prévaut de ses efforts d'intégration au sein de la société française et de son état de santé ; qu'elle n'établit toutefois pas sa bonne insertion en se bornant à produire deux attestations établies en 2013 mentionnant, pour l'une, son activité bénévole et, pour l'autre, sa participation à des cours de français pendant l'année scolaire 2012/2013 ; que Mme B...D...n'établit pas être isolée en Angola où elle a vécu la majeure partie de sa vie ; que, par ailleurs, dans un avis du 8 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine a indiqué que si l'état de santé de Mme B...D...nécessitait une prise en charge médicale, d'une part, l'absence de traitement ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, ce traitement est disponible en Angola ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de Mme B...D...;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme B...D...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que la décision litigieuse comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
14. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
15. Considérant, en quatrième lieu, que les éléments produits par Mme B...D...ne permettent pas de considérer comme établi qu'elle encourt personnellement des risques en cas de retour en Angola alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA confirmée par la CNDA et que sa demande de réexamen a également été rejetée ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel Mme B... D...pourra être éloignée serait intervenue en violation des stipulations et dispositions précitées ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme B...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02816