Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 27 septembre 2018, la société Res (anciennement dénommée Eole-Res), représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de prescrire une enquête à la barre en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler le jugement no 1502077 du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) d'annuler l'arrêté contesté du 11 août 2015 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de se prononcer à nouveau sur sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Res soutient que c'est à tort que le préfet s'est cru lié par le refus opposé par le ministre de la défense dès lors que ce refus est infondé et, par suite, illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
L'instruction a été close le 13 novembre 2018.
Le ministre de la transition écologique et solidaire a déposé un mémoire le 18 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de l'aviation civile,
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Res.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 avril 2015, la société Eole-Res, devenue depuis la société Res, a sollicité la délivrance d'une autorisation unique en vue de l'implantation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Mertrud. Par un arrêté du 11 août 2015, le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer cette autorisation.
2. La société Res relève appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En vertu des dispositions des articles 8, 10 et 12 du décret du 2 mai 2014 susvisé, de l'article L. 6352-1 du code des transports et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, alors applicables, la délivrance de l'autorisation unique, lorsque le projet en cause porte sur une construction susceptible, comme c'est le cas des aérogénérateurs litigieux en raison de leur hauteur supérieure à 50 mètres, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, est subordonnée à l'autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet de la Marne a refusé de délivrer l'autorisation unique à la suite du refus du ministre de la défense du 10 juin 2015 d'autoriser le projet de la société Res. Cette dernière soutient que c'est à tort que le préfet s'est cru lié par ce refus, selon elle illégal.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige est situé à environ 5 kilomètres au sud de la zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson dans laquelle, lorsqu'elle est activée, il est interdit aux aéronefs non équipés de pénétrer. Il est également situé à quelques kilomètres à l'ouest et au nord-ouest de plusieurs parcs éoliens importants, lesquels constituent des obstacles à la circulation aérienne. Enfin, il est implanté sous un tronçon du réseau de vol à très basse altitude de la défense dénommé LF-R69, dont les limites verticales sont fixées à 800 pieds (250 mètres) par rapport à la surface au sol pour le plancher et à 2 700 pieds (800 mètres) par rapport à la surface au sol pour le plafond. Lorsqu'il est activé, ce réseau, destiné à protéger les aéronefs de la défense évoluant à très grande vitesse et par toutes conditions météorologiques, est imperméable à tout trafic. La dimension du réseau empêchant son contournement, il ne peut alors être évité qu'en évoluant sous son plancher ou au-dessus de son plafond. Le ministre de la défense a estimé, compte tenu de ces éléments et de l'environnement des parcs déjà autorisés à la date à laquelle il s'est prononcé, que l'implantation des cinq éoliennes de la société Res serait de nature à compromettre davantage voire empêcher le transit sous ce réseau en toute sécurité des aéronefs volant à vue selon les règles de circulation aérienne civiles ou militaires, et constituerait ainsi un obstacle de nature à entraver la circulation aérienne.
6. En premier lieu, la requérante fait valoir que le couloir à préserver, sous le tronçon du réseau LF-R69 et entre la zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson au nord et les parcs éoliens implantés au sud-est de son projet, afin de permettre le transit en toute sécurité des aéronefs volant à vue, est destiné aux seuls aéronefs civils et que le ministre chargé de l'aviation civile a donné son accord pour son projet. Toutefois, les dispositions des articles 8, 10 et 12 du décret du 2 mai 2014 susvisé, de l'article L. 6352-1 du code des transports et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, en vertu desquelles l'accord du ministre chargé de la défense est également requis, ne limitent pas la portée de cette exigence d'une double autorisation spéciale aux seuls espaces réservés à la circulation aérienne militaire. Par conséquent, à supposer que le couloir à préserver soit essentiellement utilisé par des aéronefs civils, le ministre chargé de la défense n'a pas excédé sa compétence en se fondant sur son insuffisance.
7. En deuxième lieu, bien que l'activation simultanée de la zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson et du réseau LF-R69 soit très peu fréquente, le ministre a pu à bon droit se fonder sur cette hypothèse pour porter son appréciation sur le projet.
8. En troisième lieu, en admettant qu'il demeure possible à un aéronef non autorisé, en cas d'activation simultanée de la zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson et du réseau LF-R69, de pénétrer dans l'un ou l'autre de ces secteurs, cette intrusion ne pourrait être qu'exceptionnelle et ne saurait donc justifier que le ministre de la défense donne son accord au projet.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est implanté au milieu d'un secteur jusqu'alors libre d'obstacle, situé entre la zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson au nord et d'importants parcs éoliens à l'est et au sud-est. Même sans tenir compte du parc éolien des Côteaux du Blaiseron, qui n'avait pas fait l'objet d'un permis de construire à la date à laquelle le ministre de la défense s'est prononcé, il ressort des pièces du dossier, en particulier des cartes et des documents vidéos produits par la requérante, que le projet litigieux, du seul fait de son implantation et des périmètres de sécurité qu'elle imposera aux aéronefs, aura pour conséquence de restreindre, sous le réseau LF-R69, en cas d'activation simultanée de ce réseau et de zone de contrôle radar de l'aérodrome Saint-Dizier-Robinson, les possibilités de transit en toute sécurité pour les aéronefs volant à vue selon les règles de circulation aérienne civiles ou militaires. Ainsi, compte tenu des contraintes particulières du secteur en cause, notamment de la forte densité des éoliennes sous ce tronçon, et en dépit de la circonstance que le projet litigieux laissera subsister un couloir de transit d'un peu plus de trois kilomètres de largeur, le ministre chargé de la défense n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que ce projet est de nature à entraver la circulation aérienne.
10. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la défense s'est illégalement opposé à son projet. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Marne a commis une illégalité en se conformant à ce refus, comme il était tenu de le faire.
11. Il résulte de ce qui précède que la société Res n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le préfet de la Haute-Marne a rejeté sa demande d'autorisation unique. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Res est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Res et au ministre de la transition écologique et solidaire.
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N° 18NC00649