Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 2018, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français, l'interdiction de retour pour une durée de deux ans et l'assignation à résidence ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A...dirigée contre ces décisions ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était nécessaire, ainsi que la signature de chacun des trois médecins ;
- l'avis a été émis sur la base d'un certificat d'un médecin du centre hospitalier de Meaux et c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devait examiner MmeA....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...A..., de nationalité albanaise, est entrée irrégulièrement en France le 28 novembre 2015, selon ses déclarations, avec ses trois enfants mineurs et son époux, décédé le 24 décembre suivant. Après rejet des demandes d'asile de l'intéressée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le préfet du Doubs a pris, le 23 mars 2017, une obligation de quitter le territoire français à laquelle Mme A...n'a pas déféré. Le préfet a alors décidé d'organiser le retour de Mme A...en Albanie, a obtenu des places dans un vol prévu le 22 février 2018 et a placé Mme A...et ses enfants dans le centre de rétention administrative de Mesnil-Amelot. Le lendemain, Mme A... a refusé d'embarquer. Par ordonnance du 23 février 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Meaux a prolongé la rétention de l'intéressée pour 28 jours en attendant que la préfecture puisse à nouveau organiser son départ ainsi que celui de ses enfants. Après que l'intéressée ait à nouveau sollicité l'asile et que sa demande ait été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2018, il a été mis fin à la rétention de la famille le 2 mars 2018 en application d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme.
2. Par arrêté du 21 mars 2018, le préfet du Doubs a pris à l'encontre de Mme A...une obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, a pris une interdiction de retour pour deux ans et a informé l'intéressée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un autre arrêté du même jour, le préfet du Doubs a assigné Mme A...à résidence dans le département du Doubs pour 45 jours. Le préfet du Doubs interjette appel du jugement par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Besançon a annulé ces deux arrêtés au motif que l'obligation de quitter le territoire français était entachée de vice de procédure en raison de l'irrégularité des avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration portant sur l'état de santé de Mme A...et de ses enfants.
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. ".
5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que Mme A...et ses enfants ont été placés en centre de rétention du 21 février au 2 mars 2018. Le 28 février suivant, Mme A...et ses trois enfants ont été examinés par un praticien du centre hospitalier de Meaux dont les conclusions ont été adressées à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le 1er mars 2018, le médecin coordinateur de la zone Est de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu 4 avis dans lesquels il indiquait que l'état de santé de chacun des intéressés nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'ils pourraient bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine vers lequel ils pourraient voyager sans risques.
6. Si ces avis étaient signés par un seul médecin, ils étaient établis sur un formulaire portant en titre " avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier produites pour la première fois en appel que, malgré l'erreur matérielle tenant au choix du formulaire, ces avis ont été émis par un seul médecin, conformément aux dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux étrangers placés en centre de rétention. Le médecin du centre de rétention s'étant déclaré, en tant que médecin traitant de Mme A...et de ses enfants, en situation d'incompatibilité pour se prononcer sur leur cas, ces avis ont légalement été émis par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, il ressort notamment de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration peut se prononcer au vu de certificats médicaux et n'est pas tenu d'examiner lui-même les étrangers.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que les avis du collège des médecins ne devaient pas être signés par un seul médecin sans qu'il ressorte au surplus des pièces du dossier qu'il avait examiné personnellement Mme A...et ses enfants.
8. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif.
Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :
9. Par arrêté du 13 octobre 2007, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 18 octobre suivant, le préfet du Doubs a donné délégation à M. Setbon, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment les obligations de quitter le territoire français, les refus de délai de départ volontaire, les interdictions de retour et les décisions fixant le pays de destination. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces arrêtés doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, Mme A...soutient que sa venue en France était motivée par le très grave état de santé de son mari dont la polykystose rénale ne pouvait être prise en charge en Albanie mais que son mari est décédé un mois après son entrée sur le territoire, qu'elle est seule pour élever ses trois enfants, que l'un deux est atteint de la même pathologie que son père, qu'il est étroitement surveillé médicalement et qu'elle ne peut envisager de quitter la France alors que ses enfants sont scolarisés en France et qu'elle met tout en oeuvre pour s'intégrer à la société française.
11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...ne résidait en France depuis moins de deux ans et demi à la date de l'arrêté préfectoral contesté, que rien ne s'oppose à ce qu'elle reparte dans son pays d'origine avec ses enfants, qu'elle n'établit pas avoir d'autres attaches sur le territoire national et ne justifie pas d'une particulière intégration. Les certificats médicaux qu'elle produit, décrivent seulement l'état de santé de son enfant en mentionnant que s'il présente des kystes aux reins et que s'il est peut être porteur de la même maladie que son père, il faudra des analyses d'une durée d'un an pour s'en assurer, sans que ces certificats fassent état de la prescription d'un traitement, ni d'une impossibilité de voyager. Ils ne sont donc pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de l'enfant nécessitait des soins, leur absence ne comporterait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le fils de Mme A...pourrait bénéficier du traitement nécessaire dans son pays d'origine vers lequel il pourrait voyager sans risque. Si les enfants de Mme A...suivent sérieusement leur parcours scolaire en France, rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent leur scolarité en Albanie. Ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de MmeA....
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contesté n'aurait pas pris en considération l'intérêt supérieur du fils de Mme A...en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en raison de la pathologie dont il souffre, ne peut être accueilli.
Sur les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".
14. D'une part, contrairement à ce que soutient MmeA..., l'arrêté contesté, qui fait notamment mention de sa durée de séjour en France, de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement et de l'absence d'attaches familiales fortes en France, est suffisamment motivé.
15. D'autre part, Mme A...fait valoir que la durée de deux ans d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à sa situation particulière, compte tenu de ce qu'elle n'est pas retournée dans son pays d'origine en raison de l'état de santé de son fils et de ce que celui-ci ne pourra bénéficier d'une prise en charge médicale durant ce délai. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de traitement comporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son fils ne pourrait bénéficier du traitement nécessaire dans son pays d'origine. Mme A...ne justifie d'aucune attache sur le territoire national, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national en ne déférant pas spontanément à une précédente obligation de quitter le territoire français et en refusant d'embarquer dans l'avion qui devait la ramener dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'interdiction de territoire pour une durée de deux ans n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation et sur celle de ses enfants.
16. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, attaqué le tribunal administratif de Besançon a annulé les deux arrêtés contestés du 21 mars 2018.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs et à M. B...de la République près le tribunal de grande instance de Besançon.
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N° 18NC01279