Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2018, M. C...D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) avant dire droit, d'ordonner une expertise contradictoire, par un collège d'experts, de son état de santé et de la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
2°) d'annuler le jugement n° 1705328 du 8 février 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler l'arrêté contesté ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer entretemps une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D...soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- l'identité du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration auteur du rapport médical ne peut pas être vérifiée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a suivi l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans exercer son pouvoir d'appréciation ;
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- eu égard à l'ancienneté de son séjour, à son intégration, à ses attaches personnelles et familiales en France et à son absence d'attaches dans son pays d'origine, le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur d'appréciation et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- il ne peut pas être reconduit en Algérie, compte tenu du traumatisme lié aux événements qu'il y a vécus.
Par une ordonnance du 28 janvier 2019, l'instruction a été close le 12 février 2019.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...D..., de nationalité algérienne, né le 27 juin 1978, est entré en France le 17 mars 2012 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a été admis au séjour du 27 mars 2013 au 20 mars 2017 en raison de son état de santé. Par un arrêté du 5 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
2. M. D...relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que le préfet communique à l'étranger l'identité du médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration auteur du rapport médical. Par conséquent, le défaut d'une telle communication ne saurait entacher la décision de refus de séjour d'une illégalité.
4. En deuxième lieu, bien que le préfet, qui n'y était nullement tenu, n'ait pas exposé de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. D..., il ressort des énonciations mêmes de l'arrêté contesté qu'il a procédé à un examen particulier de cette situation.
5. En troisième lieu, le préfet a pu légalement s'approprier l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'avait pas à comporter d'autres informations que celles prévues par l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru tenu de suivre cet avis.
6. En quatrième lieu, la situation des ressortissants algériens souhaitant obtenir un titre de séjour en raison de leur état de santé est régie par les stipulations du paragraphe 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne leur sont pas applicables et le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut être utilement soulevé.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7°) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
9. Dans son avis du 6 juillet 2017, que le préfet s'est approprié, le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a indiqué que si l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
10. M. D...soutient que cet avis contredit les avis favorables émis par le médecin de l'agence régionale de santé les 20 mars 2013, 18 mars 2014, 17 mars 2015 et 21 mars 2016. Mais ces avis se rapportent à l'état de santé de l'intéressé à l'époque et ne sont dès lors pas, par eux-mêmes, de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur l'état de santé du requérant un an et demi après le dernier desdits avis. Par ailleurs, il ressort des éléments médicaux produits par M. D...qu'il a été, à l'époque, admis au séjour en raison de divers troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post traumatique. S'il ressort du rapport du Dr E...du 5 février 2017 que ce dernier estime que l'état de santé de l'intéressé n'a pas évolué, le DrA..., qui contrairement au Dr E...est le psychiatre traitant du requérant depuis octobre 2012, ne fait état, dans son certificat médical du 1er février 2017, que de " séquelles d'état de stress post traumatique " et d'une " indication de poursuite de la prise en charge psychiatrique sur place dans la durée et la continuité ", sans même évoquer les conséquences d'une éventuelle interruption de ce traitement, ni en signaler la particulière gravité. Au regard des éléments ainsi apportés par le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est fondé sur des faits matériellement inexacts ou s'est livré à une appréciation erronée de son état de santé en estimant qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni d'examiner la possibilité pour l'intéressé de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
11. En sixième lieu, si M. D...entretient des liens avec son frère et ses neveux, de nationalité française, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et il n'établit pas avoir noué, en cinq ans et demi de séjour, d'autres attaches personnelles ou familiales en France. Il n'établit pas non plus être dépourvu de toute attache familiale ou personnelle dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'intégration qu'il fait valoir, M. D...ne démontre pas que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'exercer son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle relative au séjour dans le cas où le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger. M. D...ne contestant pas la régularité de la motivation de la décision relative au séjour, son moyen tiré du défaut de motivation spécifique de la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français ne peut, dès lors, qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, l'illégalité du refus de séjour n'étant pas démontrée, le requérant n'est pas fondé à en exciper à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
14. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 10 et 11, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, l'illégalité du refus de séjour n'étant pas établie, le requérant n'est pas fondé à en exciper à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
16. En second lieu, si M. D...soutient qu'il ne peut pas être reconduit en Algérie, compte tenu du traumatisme lié aux événements qu'il y a vécus, il n'apporte aucun élément concret à l'appui de cette allégation, alors que, selon ses déclarations, lesdits événements se sont produits en 1994, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation dans son pays n'ait pas évolué depuis et que la décision contestée n'implique nullement qu'il revienne sur les lieux mêmes de ces événements.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02196