Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 3 janvier 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
La garde des sceaux, ministre de la justice soutient que :
- la décision du 19 août 2015 déclassant M. B...de son emploi n'est pas entachée d'absence de motivation en droit ;
- les absences injustifiées de M.B..., qui caractérisaient son incompétence à exécuter les tâches relevant de son emploi aux ateliers de l'établissement, justifiaient qu'il soit déclassé de son emploi sur le fondement de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale ;
- la directrice adjointe de l'établissement était compétente pour prononcer la décision déclassant M. B...de son emploi pour incompétence.
Le recours a été communiqué à M.B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 15 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La garde des sceaux, ministre de la justice fait appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 19 août 2015 par laquelle la directrice adjointe du centre de détention de Villenauxe-la-Grande a déclassé M. B... de l'emploi d'opérateur qu'il occupait aux ateliers de l'établissement.
2. Pour annuler la décision du 19 août 2015 déclassant M. B...de son emploi, les premiers juges ont considéré que cette décision était entachée, d'une part, d'un défaut de motivation en droit, d'autre part, d'incompétence de son auteur.
Sur le premier motif d'annulation tiré du défaut de motivation en droit :
3. D'une part, aux termes de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale dans sa version applicable à l'espèce : " Lorsque la personne détenue s'avère incompétente pour l'exécution d'une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi. (...) ". L'article R. 57-7-34 du même code dispose : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : / (...) 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-26 du même code : " La décision sur la sanction disciplinaire est prononcée en présence de la personne détenue. Elle lui est notifiée par écrit sans délai et doit comporter, outre l'indication de ses motifs, le rappel des dispositions de l'article R. 57-7-32 ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...)".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une décision déclassant un détenu de son emploi peut être prononcée, soit à raison de son incompétence à exécuter les tâches relevant de son emploi sur le fondement de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale, soit pour sanctionner une faute disciplinaire commise au cours ou à l'occasion de l'emploi exercé. Dans l'un et l'autre cas, la décision déclassant le détenu de son emploi doit être motivée sur le fondement des dispositions de l'article R. 57-7-26 du code de procédure pénale si elle est prononcée pour un motif disciplinaire ou de celles de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 si elle est prononcée à raison de l'incompétence du détenu à exercer les tâches de son emploi, dès lors que ladite décision a pour effet d'abroger la décision l'affectant sur cet emploi qui a le caractère d'une décision créatrice de droits.
6. La ministre de la justice soutient que la décision déclassant M. B... de son emploi ne constitue pas une sanction disciplinaire mais a été prise sur le fondement de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale à raison de son incompétence à exercer les tâches relevant de son emploi. Par suite, cette décision était soumise à obligation de motivation sur le fondement de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
7. Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
8. Il ressort des termes mêmes de la décision du 19 août 2015 que cette décision ne vise pas l'article D. 432-4 du code de procédure pénale qui en constitue, selon la ministre, le fondement, pas plus d'ailleurs que l'article R. 57-7-34 du même code. Par suite, la ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en annulant la décision du 19 août 2015 au motif qu'elle était entachée d'un défaut de motivation en droit.
Sur le second motif d'annulation tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 19 août 2015 :
9. Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ".
10. Il ressort des termes mêmes de la décision du 19 août 2015 que M. B...a été déclassé de son emploi d'opérateur en raison de ses absences injustifiées à son poste de travail. Contrairement aux affirmations de la ministre, les absences injustifiées d'un détenu à son poste, qui ne suffisent pas à caractériser l'insuffisance professionnelle de ce détenu, ne sauraient justifier qu'il soit prononcé à son encontre une décision de déclassement de son emploi sur le fondement de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale. Ces absences injustifiées constituent, en revanche, une faute disciplinaire pouvant donner lieu à la sanction de déclassement définitif prévue par les dispositions précitées du 2° de l'article R. 57-7-34 du code de procédure pénale. La décision déclassant M. B...de son emploi, prise à raison de ses absences injustifiées, revêtant ainsi un caractère disciplinaire, elle ne pouvait être prononcée que par la commission de discipline. Par suite, la ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en considérant que la décision attaquée, signée par la directrice adjointe du centre de détention de Villenauxe-la-Grande, était entachée d'incompétence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 19 août 2015 de la directrice adjointe du centre de détention de Villenauxe-la-Grande déclassant M. B...de son emploi d'opérateur.
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A...B....
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N° 18NC00021