Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016 sous le n° 16NC01580, M. A... B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500906 du 31 décembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler la décision de refus de séjour du préfet de Meurthe-et-Moselle du 22 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans les deux cas dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. B...soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'indique pas en quoi les éléments qui lui ont été fournis ne constituent pas des motifs exceptionnels de régularisation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de statuer sur la demande d'autorisation de travail ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et en n'examinant pas les considérations ou motifs humanitaires qui en ressortent ;
- pour les mêmes raisons, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les points 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et le 7°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par décision du 26 mai 2016 du bureau d'aide juridictionnelle, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation du jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité kosovare, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 10 octobre 2012 en compagnie de sa compagne, de leurs deux enfants mineurs et de ses parents. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 décembre 2013, dont la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision le 30 juin 2014. Par un arrêté du 30 juillet 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine. Par un jugement du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté son recours contre cet arrêté et par une ordonnance du 21 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Entretemps, et parallèlement à son action contentieuse, M. B...a, par un courrier du 28 août 2014, demandé au préfet de reconsidérer sa position et de lui accorder une autorisation de travail. Par une décision du 22 octobre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a une nouvelle fois refusé de l'admettre au séjour.
3. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
4. M. B...soutient que les premiers juges ont répondu de façon stéréotypée au moyen qu'il a soulevé, tiré du défaut de motivation de la décision.
5. En indiquant que la décision attaquée " comporte les considérations de fait et de droit qui la fondent " et que, " par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ", le tribunal a répondu de manière certes concise, mais néanmoins précise et suffisante au moyen soulevé. Le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité à cet égard.
Sur la légalité de la décision attaquée :
6. En premier lieu, M. B... soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'indique pas en quoi les différents éléments de sa situation personnelle ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels de régularisation au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Cependant, le courrier que M. B...a adressé au préfet le 28 août 2014 fait seulement état d'une demande d'autorisation de travail et de prise en compte de cet élément pour sa demande de titre de séjour. Il ne mentionne ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni le caractère exceptionnel ou humanitaire de l'admission au séjour ainsi sollicitée. Dans ces conditions, M. B...ne peut être regardé comme ayant présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14, ce qu'au demeurant il ne soutient même pas avoir fait. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation en s'abstenant de la motiver au regard de l'application de cet article.
8. En deuxième lieu, M. B... soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation. Cette affirmation est toutefois contredite par les termes mêmes de la décision attaquée qui, rappelant le parcours de l'intéressé depuis son arrivée en France ainsi que sa situation familiale et professionnelle et analysant sa demande au regard de ces éléments, montrent que le préfet a procédé à un examen particulier de son cas.
9. En troisième lieu, M. B...soutient que le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et en n'examinant pas les considérations ou motifs humanitaires qui en ressortent.
10. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14. Le préfet n'était donc pas tenu de se prononcer au regard dudit article. Par conséquent, le moyen est inopérant.
11. En quatrième lieu, est également inopérant, pour la même raison, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En cinquième lieu, M. B... soutient que le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de statuer sur la demande d'autorisation de travail, notamment au regard des dispositions de l'article R. 5221-21 du code du travail, alors que tous les éléments requis à cette fin lui avaient été remis.
13. Aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-21 du même code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : 1° L'étranger visé à l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au sixième alinéa de l'article L. 313-10 du même code lorsque l'emploi sollicité figure sur l'une des listes visées par ces dispositions ; 2° L'étudiant, titulaire d'une autorisation provisoire de séjour délivrée en application de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui présente un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à un montant fixé par décret ; 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle ; 4° Le mineur étranger, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, lorsqu'il remplit les conditions de l'article R. 5221-22 du code du travail ".
14. D'une part, contrairement à ce que soutient M. B...le préfet s'est bien prononcé sur sa demande puisqu'il ressort des termes de sa décision qu'il l'a rejetée.
15. D'autre, si le requérant soutient que le préfet n'a pas examiné sa demande au regard des dispositions de l'article R. 5221-21 du code du travail, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et en tout état de cause, le préfet pouvait légalement rejeter la demande dès lors qu'elle avait été présentée par M. B...lui-même et non, comme l'impose l'article R. 5221-11, par son employeur.
16. En sixième lieu, M. B...soutient que le refus de séjour litigieux porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les points 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. Tout d'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...a présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut donc pas utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cet article.
18. Ensuite, M. B... ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance de dispositions constitutionnelles à l'encontre d'une décision individuelle prise sur le fondement de dispositions législatives et réglementaires.
19. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
20. M. B...soutient que le centre de sa vie familiale est désormais établi en France, où il réside avec sa compagne et leurs enfants, qui y sont scolarisés, que ses parents y résident également et ont été autorisés à y séjourner. M. B...fait valoir que son père est gravement malade et lourdement handicapé et que, du fait de l'état de santé de sa mère, c'est à lui qu'il revient de le prendre en charge. Il ajoute n'avoir plus de lien avec le Kosovo et la Serbie.
21. Toutefois, M. B...ne se trouvait en France, avec sa famille, que depuis deux ans à la date de la décision attaquée. Sa compagne y faisait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement et il n'est ni démontré ni même allégué que leur cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans un autre pays que la France. Par ailleurs, le certificat médical qu'il produit, faisant état d'un suivi psychiatrique empêchant sa mère de subvenir aux besoins domestiques et médicaux de son père non seulement émane d'un médecin généraliste et non d'un psychiatre, mais encore a été établi le 21 janvier 2016, après le jugement du tribunal et plus d'un an après la décision attaquée. Il n'est donc pas de nature à démontrer qu'à la date de cette décision, la mère de M. B...n'était plus à même de s'occuper de son mari et que l'intéressé s'en chargeait. Enfin, M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait dépourvu de tout lien familial ou personnel au Kosovo ou en Serbie. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
22. En septième et dernier lieu, M. B...soutient que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant eu égard à la scolarisation de ses enfants en maternelle, à leur intégration et au souci de stabilité de leur situation, dont il n'a pas tenu compte.
23. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
24. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas tenu compte de la situation des enfants mineurs de M.B.... D'autre part, alors que la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants, leur scolarisation en maternelle et l'instabilité de la situation de M. B...en France ne suffisent pas à considérer que le préfet a pris une décision contraire à leur intérêt supérieur.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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