2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet a écarté les documents d'état civil qu'il a produit afin d'établir sa date de naissance alors que ces documents ont été légalisés et qu'il avait obtenu une carte d'identité biométrique ; c'est donc régulièrement qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à l'âge de dix-sept ans ; c'est à tort que le préfet a retenu l'intention frauduleuse laquelle n'est pas établie et alors que son comportement en France est exemplaire ;
- le caractère sérieux et couronné de succès de ses études est établi et il n'a plus aucun contact avec la Guinée ; les décisions attaquées violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et de libertés fondamentales, l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et reposent sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, prétendant être née le 20 décembre 1999, est entré irrégulièrement en France au cours du mois de décembre 2016. Compte tenu de sa minorité déclarée, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance et a poursuivi une scolarité lui ayant permis d'obtenir brillamment un CAP d'électricité. M. B... a demandé le 19 juillet 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 octobre 2018 le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Par le jugement attaqué du 13 juin 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 juin 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé ".
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. Afin d'établir sa date de naissance, M. B... se prévaut d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 25 novembre 2016 par le tribunal de Kaloum, commune de Conakry, et de l'extrait d'acte de naissance du 28 novembre 2016 du registre d'état civil de Conakry transcrivant ce jugement. Afin d'écarter ces documents, le préfet du Doubs s'est fondé sur un rapport des services de la police aux frontières reprenant une note générale des services de sécurité de l'ambassade de France à Conakry selon laquelle les actes d'état civil, y compris judiciaires, font l'objet d'une fraude généralisée en Guinée. Mais, un tel document d'ordre général ne saurait établir que l'acte concernant M. B... serait lui-même un faux. Si le préfet du Doubs s'est également fondé sur la circonstance que le jugement a été rendu sur requête de l'intéressé le jour même de cette demande, il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prononcée après audition de deux témoins et qu'il n'est fait état dans le droit guinéen d'aucune incapacité pour un mineur de soumettre une requête de cette nature, les références faites par le préfet du Doubs au code civil guinéen se rapportant seulement aux articles définissant la minorité. Si devant la Cour le préfet soutient que M. B... se trouvait en Espagne le jour où ce jugement supplétif a été rendu, l'intéressé n'a jamais dissimulé avoir obtenu ce jugement par courriel alors qu'il se trouvait dans ce pays, ainsi qu'il ressort du rapport social, et il n'est fait état d'aucune disposition procédurale faisant obligation au demandeur de comparaitre personnellement dans le cadre d'une telle procédure. Il résulte de ces éléments que c'est à tort que le préfet du Doubs, afin de refuser la délivrance à M. B... A... la carte de séjour prévue à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui faire obligation de quitter le territoire, s'est fondé sur le motif que l'intéressé avait obtenu frauduleusement son admission à l'aide sociale à l'enfance sur la foi de faux documents d'état civil.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 13 juin 2019 le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 5 octobre 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision".
8. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que le préfet du Doubs se prononce à nouveau sur la demande de M. B... après un nouvel examen. Il y a lieu, par suite, de l'enjoindre de procéder à cet examen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dravigny, avocat de M. B..., sous réserve qu'elle renonce au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. B... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 juin 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 5 octobre 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dravigny la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
N° 19NC02356 2