Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC02332 le 22 juillet 2019, Mme D... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de l'instruction, une autorisation provisoire de séjour.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'incompétence du fait de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'incompétence du fait de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2019.
Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 4 avril 1988 et de nationalité congolaise, serait entrée irrégulièrement en France en juillet 2017 sous couvert d'un passeport d'emprunt. Elle a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d'un enfant français. Par un arrêté du 5 octobre 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 octobre 2018.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Mme B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de ce qu'il n'est pas justifié d'une délégation de signature régulièrement publiée et que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 27 mars 2019.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...). " .
4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 21 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., a déclaré être entrée en France en juillet 2017 sous couvert d'un passeport d'emprunt. Elle a également déclaré, lors de la procédure de transfert en Italie, avoir deux enfants mineurs dont le père avait disparu. Elle a donné naissance à un enfant à Colmar, le 18 février 2018. Cet enfant ayant été reconnu par anticipation, le 3 novembre 2017, par M. A..., ressortissant français, l'intéressée a présenté une demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Par l'arrêté contesté, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande en estimant qu'elle reposait sur une fraude révélée par un faisceau d'indices, à savoir une reconnaissance de complaisance.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., compagnon de la requérante et père de ses deux premiers enfants restés au Congo, qu'elle avait déclaré disparu, se trouve en situation irrégulière dans le Haut-Rhin et qu'il a toujours présenté Mme B... comme sa compagne. Il est par ailleurs constant que M. A..., père déclaré de l'enfant, est marié et réside en région parisienne. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, la communauté de vie entre Mme B... et M. A... au moment de la conception de l'enfant reconnu par M. A... ou postérieurement à sa naissance n'est établie par aucune pièce du dossier, alors que cet enfant est né huit mois seulement après l'arrivée de la requérante sur le territoire français. Enfin, les pièces produites aux débats, consistant notamment en des tickets de caisse relatifs à des achats en Alsace ou au nom de la requérante ainsi que des preuves de virement effectués postérieurement au rejet de la requête de première instance, ne permettent pas d'établir que M. A... participe de manière effective à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet a pu, à bon droit, regarder la demande de titre de séjour de Mme B... comme reposant sur la fraude et refuser d'y faire droit, nonobstant la circonstance que par un jugement du 20 novembre 2018, le juge aux affaires familiales a décidé, alors que M. A... ne s'était pas déplacé à l'audience, que ce dernier verserait une contribution financière de 100 euros pour participer à l'éducation de l'enfant né en 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 5 du présent arrêt, et eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressée en France et au fait que cette dernière n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident ses deux premiers enfants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
9. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français viole le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 27 mars 2019, Mme B... ne faisant état d'aucun élément nouveau en appel.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 19NC02332 2