Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2019, Mme F..., représentée par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet du Bas-Rhin principalement, de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale, subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour : méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'est pas justifié que cette décision a été précédée de la consultation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à supposer qu'un avis a été émis, il n'est pas établi qu'un médecin rapporteur a été désigné et à supposer qu'il l'a été il n'est pas établi qu'il n'a pas siégé au sein du collège des médecins, il n'est pas établi que l'avis médical se soit prononcé sur la possibilité d'accéder aux soins dont elle a besoin dans son pays d'origine ; par les certificats médicaux qu'elle produit, il est établi qu'un défaut de prise en charge médicale serait de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'aura pas accès en Arménie à ce suivi médical puisque le traumatisme psychiatrique dont elle souffre a eu lieu dans ce pays ; méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ; viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire : est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; viole les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du même code ; viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante arménienne née le 21 décembre 1981, est entrée dans l'espace Schengen le 5 mai 2016 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités lettones valable jusqu'au 14 juin 2016, et a présenté en France une demande d'asile qui a été rejetée définitivement à la suite d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 janvier 2018. L'intéressée a alors sollicité son admission au séjour pour soins médicaux le 15 février 2018. Par arrêté du 8 février 2019, le préfet du Bas-Rhin a rejeté cette demande. Mme F... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Par un arrêté du 20 décembre 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 28 décembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à Mme E... D..., directrice des migrations et de l'intégration par intérim, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées, signées par Mme D..., seraient entachées du vice d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...). Cet avis mentionne les éléments de procédure ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Le préfet du Bas-Rhin produit l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration duquel il ressort que Mme F... est atteinte d'une pathologie dont le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des mentions de cet avis qu'il a été régulièrement délibéré et signé par les médecins du collège, qui n'avaient pas à fixer de durée de traitement ni à examiner s'il était disponible en Arménie, au vu du rapport d'un médecin qui n'en faisait pas partie et qui n'a pas siégé avec eux. Par suite, cet avis est régulier et Mme F..., par les certificats médicaux qu'elle produit ne justifie pas que le préfet, en suivant cet avis, aurait inexactement apprécié son état de santé.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon enfin l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. La requérante n'ayant pas sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions.
8. Mme F... est entrée en France le 5 mai 2016, accompagnée de sa fille. Elle se prévaut de sa maîtrise du français, de son investissement auprès d'associations et des relations amicales qu'elle aurait tissées en France. Toutefois, ces seuls éléments, s'ils démontrent les efforts d'intégration de la requérante, ne suffisent pas à établir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe désormais en France, alors que réside en Arménie sa mère. Par ailleurs, si la requérante soutient que sa fille est actuellement scolarisée en classe de 5ème et qu'elle justifie de très bons résultats, il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation de cette dernière ne pourrait pas être poursuivie en Arménie. Dans ces circonstances, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés. Mme F... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision faisant obligation à Mme F... de quitter le territoire :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet du 8 février 2019 l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ".
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent jugement que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent jugement que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
13. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 8 du présent jugement, la requérante n'est fondée à soutenir ni que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. Mme F... soutient qu'un retour en Arménie l'exposerait à un risque de traitements inhumains ou dégradants dès lors qu'elle y serait l'objet de menaces. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 janvier 2018, elle ne produit aucun élément suffisamment probant de nature à attester de la réalité de ses allégations. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet a pu prendre la décision attaquée.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de du Bas-Rhin.
N°19NC03200 2