Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet a écarté le caractère probant de son jugement supplétif d'acte de naissance en se fondant sur le seul rapport et la note d'actualité de la police aux frontières concernant les actes d'état civil guinéen et c'est à tort que le jugement a estimé que cet acte était un faux en se fondant sur la circonstance qu'il aurait été demandé par son père alors que c'est son oncle qui a présenté la requête ; sa minorité lors de sa prise en charge ne saurait donc être remise en cause ;
- le caractère réel et sérieux de sa formation ne fait pas de doute ; il remplit donc les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le centre de ses intérêts privés se situant en France et la circonstance qu'il ne serait pas dépourvu de tout lien avec son pays d'origine étant sans incidence au regard de l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2021, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être entré en France au cours du mois de juin 2017. Il a été placé par l'autorité judiciaire en tant que mineur isolé auprès de l'aide sociale à l'enfance qui l'a pris en charge jusqu'au 31 août 2018 au foyer des jeunes travailleurs de Gray. M. B... a saisi le préfet de la Haute-Saône d'une demande de titre de séjour sur les fondements du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-15 du même code. Par un arrêté du 8 août 2019, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 7 janvier 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 août 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Enfin, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
3. M. B... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un extrait d'acte de naissance et un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, faisant état d'une date de naissance le 10 juin 2001. Le préfet soutient que la direction de la police aux frontières de Pontarlier a rendu un avis défavorable sur l'authenticité du jugement supplétif du 6 juin 2017 produit par le requérant en notant que cet acte, ainsi que les autres documents produits, présentaient " toutes les caractéristiques de faux en écritures publiques ". Toutefois, il est constant que l'avis défavorable de la police aux frontières du 11 décembre 2017 sur l'authenticité de ces documents est uniquement basé sur des informations générales provenant du service de sécurité intérieure de l'ambassade de France en République de Guinée, selon lesquelles il existerait une fraude généralisée concernant l'état civil de ce pays. Si un rapport de la police aux frontières de Pontarlier du 15 janvier 2019 conclut au caractère contrefait de l'acte de décès et du jugement supplétif tenant lieu d'acte de décès du père de M. B..., ces documents, produits afin d'établir la nature des liens avec le pays d'origine, ne sauraient entacher l'authenticité de ceux relatifs à la date de naissance de l'intéressé. Ainsi, il n'a pas été procédé à une analyse technique et à un examen personnalisé des pièces produites par le requérant permettant d'établir que les actes d'état civil produits par M. B..., lesquels ont au demeurant été depuis légalisés, ne seraient pas authentiques. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Saône n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les informations sur l'état civil de M. B... figurant dans ces documents ne correspondent pas à la réalité. Par suite, en estimant que M. B... avait déclaré une fausse identité et qu'il ne démontrait pas avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans, le préfet a commis une erreur de droit et a méconnu les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de l'article 47 du code civil.
4. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Saône afin de refuser un titre de séjour à M. B... s'est également fondé sur le rapport de la structure d'accueil relatif au déroulement de sa prise en charge. Il ressort de ce rapport que le comportement de M. B... a été marqué par plusieurs refus de se plier aux règles de vie collective du fait de son manque de maturité. Les auteurs du rapport en ont néanmoins conclu que si l'intéressé devait évoluer, sa prise en charge s'était bien déroulée dans l'ensemble. Il ressort des divers documents produits que M. B... a suivi avec sérieux et assiduité sa formation professionnelle dans le domaine de l'hôtellerie et la restauration et a pu obtenir dans ce cadre un apprentissage qui s'est effectué à la satisfaction de son employeur tant en ce qui concerne l'exécution de son travail que son comportement. Dans ces conditions, alors qu'il ne conserve aucun lien avec sa famille dans son pays d'origine et qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il relevait bien de l'aide sociale à l'enfance, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en lui refusant le titre de séjour qu'il demandait sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire à destination du pays dont il a la nationalité et lui faisant interdiction de retour sur le territoire.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que le préfet de la Haute-Saône délivre à M. B... une carte de séjour portant la mention " salarié " en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, de l'enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. M. B... ayant été admis à l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par suite, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. B... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Haute-Saône du 8 août 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
N° 20NC00285 2