Par une requête, enregistrée le 21 février 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 21 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui verser une somme de 2 821 euros au titre de l'allocation de demandeur d'asile due au titre de la période de mars à décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les conclusions d'appel incident de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont irrecevables en tant qu'elles font état d'un trop-perçu d'allocation additionnelle portant sur la période de mars à novembre 2018 en ce qu'il s'agit de conclusions nouvelles en appel et qu'elles portent sur un litige distinct s'agissant d'une période différente ; en tout état de cause l'existence de ce trop-perçu n'est pas démontrée en ce que le retrait de l'aide en cas d'hébergement à titre gratuit n'était pas possible aux termes de l'article D. 744-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et que l'existence d'un hébergement gratuit durant la période n'est pas établie ;
- c'est à tort que le jugement refuse de faire droit à sa demande en tant qu'elle porte sur le versement du montant additionnel au motif que le décret qui la prévoyait aurait été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2016, n°349819, alors que cette décision ne saurait être rétroactive et que le décret annulé a été remplacé par le décret n° 2017-430 du 29 mars 2017 prévoyant une allocation journalière de 5,40 euros à laquelle il a droit dès lors qu'il n'a bénéficié d'aucun hébergement durant la période litigeuse ; de sorte qu'il aurait dû percevoir en tout 3 696 euros et qu'il n'a perçu que 875 euros ; il lui reste donc due la somme de 2 821 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement du 30 janvier 2020 en ce qu'il le condamne à verser une somme excédant celle de 530,80 euros qui est due à M. A... au titre de la période durant laquelle il était éligible au conditions matérielles d'accueil et au rejet de la requête d'appel de M. A....
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité guinéenne, est entré en France le 25 juillet 2016 et a sollicité le bénéfice de l'asile. Par arrêté en date du 10 mars 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Le transfert n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois, il a déposé une nouvelle demande d'asile restée sans suite. Par une ordonnance en date du 15 septembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a enjoint au préfet de la Moselle d'instruire sa demande et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile. Si une attestation de demandeur d'asile lui a été délivrée le 21 septembre 2017 et s'il a accepté les conditions matérielles d'accueil le 3 novembre 2017 et perçu l'allocation des demandeurs d'asile le 29 décembre 2017, il a demandé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par un courrier du 14 septembre 2018, le paiement de la somme de 2 821 euros correspondant à l'arriéré d'allocation entre mars et décembre 2017. Sa réclamation étant restée sans réponse, il a saisi du litige le tribunal administratif de Nancy qui, par le jugement attaqué du 30 janvier 2020, a annulé pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé sur la réclamation de l'intéressé et enjoint l'Office français de l'immigration et de l'intégration de verser à l'intéressé la somme de 1 205,80 euros au titre de l'allocation due pour la période de mars à décembre 2017. M. A..., par la voie d'un appel principal, et l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par la voie d'un appel incident, relèvent appel chacun en ce qui le concerne de ce jugement.
Sur les conclusions relatives à la décision de l'Office français de l'immigration rejetant la demande de M. A... d'allocation de demandeur d'asile au titre de la période du 1er mars au 31 décembre 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; 2° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ". L'article L. 744-9 du même code précise : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. L'Office français de l'immigration et de l'intégration ordonne son versement dans l'attente de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile ou jusqu'à son transfert effectif vers un autre Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande ". L'article D. 744-34 du même code précise : " Le versement de l'allocation prend fin, sur demande de l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 1° Au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant la demande d'asile ; 2° A compter de la date du transfert effectif à destination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile". L'article D. 744-35 du même code, dans sa rédaction applicable, énumère les conditions dans lesquelles une décision de suspension de l'allocation des demandeurs d'asile peut être prise, si le bénéficiaire : " 1° A refusé une proposition d'hébergement dans un lieu mentionné à l'article L. 744-3 ; 2° Sans motif légitime, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; 3° Sans motif légitime, a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 ou s'est absenté du lieu d'hébergement sans justification valable pendant plus de cinq jours ; 4° Cesse temporairement de remplir les conditions d'attribution ; 5° Ne produit pas les documents nécessaires à la vérification de son droit à l'allocation ". Aux termes de l'article D. 744-26 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : "En application du cinquième alinéa de l'article L. 744-9, l'allocation pour demandeur d'asile est composée d'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer, et, le cas échéant, d'un montant additionnel dans le cas où le demandeur d'asile n'est pas hébergé./Pour la détermination du montant de l'allocation, les ressources perçues par le bénéficiaire viennent en déduction du montant résultant de l'application du premier alinéa./Le barème de l'allocation pour demandeur d'asile figure à l'annexe 7-1 du présent code ". Enfin aux termes de l'article D. 744-36 du même code prévoit : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être retiré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration si le bénéficiaire a dissimulé tout ou partie de ses ressources, au sens de l'article D. 744-21, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale, a eu un comportement violent ou a commis des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement ".
3. Par sa réclamation préalable du 14 septembre 2018, M. A... a saisi l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'une demande tendant au versement de l'allocation majorée de demandeur d'asile pour la période du 1er mars au 31 décembre 2017 à hauteur de la somme de 3 696 euros diminuée des versements effectués à hauteur de 875 euros. Par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de faire droit à cette demande et a ordonné à cet établissement de verser à l'intéressé la somme de 1 205,80 euros au titre de la période du 1er mars au 31 décembre 2017. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas recevable à demander par la voie de l'appel incident à ce qu'une somme de 1 851 euros soit imputée sur les sommes dues à l'intéressé à raison d'un trop-versé d'allocation correspondant à la période du 1er janvier au 30 novembre 2018 qui se rapporte à une période distincte de celle faisant l'objet du litige soumis au juge d'appel.
4. Etant précisé que le mois de décembre 2017 a été entièrement réglé à l'intéressé à hauteur de 732 euros, il ressort du décompte produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'il était dû à M. A... au titre de la période du 1er mars 2017 au 30 novembre 2017 la somme totale de 3 317,80 euros correspondant au montant journalier et au montant journalier additionnel en l'absence d'hébergement. L'Office n'ayant réglé sur cette somme de 3 317,80 euros que celle de 496,80 euros, M. A... est effectivement fondé à soutenir que l'Office français de l'immigration et de l'intégration reste lui devoir la somme de 2 821 euros.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy, par le jugement attaqué, a refusé de faire droit à sa demande d'injonction à hauteur de la somme de 1 615,20 euros tandis que l'Office français de l'immigration n'est pas recevable par la voie de l'appel incident à demander que le même jugement soit réformé.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par suite, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : La somme mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration par l'article 2 du jugement ci-dessus mentionné du 20 janvier 2020 est portée à 2 821 euros au lieu de 1 205,80 euros conformément au point 4 ci-dessus.
Article 2 : Le jugement du 20 janvier 2020 du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me B... la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions d'appel de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
N° 20NC00479 2