Procédure devant la cour :
I.) Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 28 avril, les 19 et 23 juin 2020 et le 21 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant cette notification.
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant cette notification.
5°) d'enjoindre, à titre infiniment subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation de séjour de six mois dans un délai de huit jours suivant cette notification.
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas établi que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se soit prononcé au terme d'une délibération collégiale ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale de l'enfant C... A... risque d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et d'autre part, le traitement requis par son état de santé n'est pas disponible au Kosovo, son pays d'origine ;
- eu égard à ces considérations, cette décision méconnaît également les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet du Doubs a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'un défaut de motivation, d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'absence de visa de long séjour, et est intervenu au terme d'une procédure irrégulière car il n'a pas saisi pour avis la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II.) Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 28 avril, les 19 et 23 juin 2020 et le 21 octobre 2020, Mme H... G... épouse A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant cette notification.
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant cette notification.
5°) d'enjoindre, à titre infiniment subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation de séjour de six mois dans un délai de huit jours suivant cette notification.
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se soit prononcé au terme d'une délibération collégiale ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale de l'enfant C... A... risque d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et d'autre part, le traitement requis par son état de santé n'est pas disponible au Kosovo, son pays d'origine ;
- cette décision méconnaît également les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'un défaut de motivation, d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'absence de visa de long séjour, et est intervenu au terme d'une procédure irrégulière car il n'a pas saisi pour avis la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... et Mme H... A... née G..., ressortissants de nationalité kosovare, nés respectivement en 1987 et 1995, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français afin d'y solliciter l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que leurs empreintes avaient déjà été enregistrées en Hongrie le 21 janvier 2015. En dépit de l'accord exprès, le 9 avril 2015, des autorités hongroises, saisies d'une demande de reprise en charge en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, les intéressés n'ont pas été réadmis sur le territoire hongrois dans le délai de six mois prévu par le règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003. Leurs demandes d'asiles ont ensuite été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par des décisions du 22 février 2016, refus confirmés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), par des décisions du 3 mai 2016. M. et Mme A... ont alors présenté, le 10 février 2017, des demandes d'admission au séjour, en leur qualité de parents d'enfant malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 5 janvier 2018, le préfet du Doubs a rejeté leurs demandes d'admission au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. Par un jugement nos 1800560, 1800561 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces arrêtés. En exécution de ce jugement, M. et Mme A... ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en qualité de parents d'enfant malade. Le 8 juillet 2019, les requérants ont sollicité d'une part, à titre principal, la délivrance de titres de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, à titre subsidiaire, la délivrance de titres de séjour sur le fondement des dispositions de L. 313-14 du même code et à défaut, pour M. A..., sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du même code. Enfin, les intéressés ont sollicité, à titre infiniment subsidiaire, le renouvellement des autorisations provisoires de séjour assorties du droit au travail dont ils ont bénéficié sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 17 septembre 2019, le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 17 septembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Par un avis du 11 octobre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du fils de M. et Mme A..., alors âgé de deux ans, nécessitait une prise en charge, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Il a cependant relevé qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans le pays d'origine de la famille.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des pièces médicales produites par les requérants, que leur fils, C..., né le 21 mai 2015, est suivi régulièrement au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon pour un méga urètre (uropathie) congénital, ayant occasionné plusieurs épisodes de pyelonéphrites aigues. Il bénéficie à ce titre d'une surveillance clinique et échographique régulière au sein du service d'urologie du CHRU de Besançon. A l'occasion d'un contrôle réalisé le 25 mars 2019, il a été constaté une dégradation de son état de santé qui a nécessité une correction chirurgicale et l'instauration d'une surveillance régulière et fréquente. Le 24 janvier 2019, l'enfant a bénéficié d'un bilan orthophonique à l'initiative du CHRU au terme duquel il était conclu que son retard de langage nécessitait une prise en charge orthophonique soutenue à raison de deux séances hebdomadaires, laquelle est effective depuis le 19 mars 2019 au sein du service d'audiophonologie du CHRU de Besançon. Dans un certificat médical du 24 octobre 2019, le Dr Ohl constatait qu'" une rupture de son suivi orthophonique actuel pourrait avoir des conséquences exceptionnellement graves sur le développement de son langage, sur son comportement et sur ses apprentissages " et que " l'arrêt de la prise en soin ou un changement de thérapeute pourrait conduire à une régression des capacités communicationnelles en cours d'acquisition ". Ces constats sont renouvelés dans un certificat médical d'une orthophoniste produit en appel du 11 mai 2020. Enfin, dans un certificat médical du 2 octobre 2019, le pédiatre qui suit l'enfant C... indiquait que d'une part, la dilatation pyelocalicielle droite est réapparue et que les mesures à mettre en place en vue de la prévention de l'insuffisance rénale ne sont pas encore des pratiques courantes au Kosovo et que d'autre part, " les mesures de prévention et d'accompagnement pour faire évoluer le langage oral et prévenir les conséquences sur l'acquisition du langage écrit ne sont pas disponibles dans tous les pays ". Par ailleurs, dans un courrier du 10 janvier 2018, la clinique pédiatrique du centre hospitalier universitaire de Pristina atteste que s'agissant de l'uropathie dont souffre C..., elle n'est pas en mesure d'effectuer " le suivi de traitement à cause du manque des appareils et des conditions nécessaires pour effectuer de telles interventions et suggère et oriente les patients à chercher un traitement ou des soins à l'étranger ". En outre, le préfet du Doubs n'établit pas qu'en cas de dégradation de l'état de santé de l'enfant, laquelle n'est exclue par aucun médecin, les interventions chirurgicales nécessaires, dont il n'est pas contesté qu'elles ne pourraient être réalisées au Kosovo, seraient effectivement prises en charge par les autorités de ce pays. Dès lors, eu égard à l'ensemble de ces éléments médicaux, il est de l'intérêt supérieur du fils de M. et Mme A..., qui bénéficie à la date de la décision attaquée d'une prise en charge adaptée des deux pathologies dont il est atteint et dont il est justifié qu'elle n'existe pas au Kosovo, de pouvoir poursuivre ses soins en France. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu des motifs retenus ci-dessus par le présent arrêt, l'annulation des arrêtés du 17 septembre 2019, implique nécessairement la délivrance à M. et Mme A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs d'y procéder dans un délai de deux mois sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
7. M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B..., avocate de M. et Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 et les deux arrêtés du préfet du Doubs du 17 septembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer respectivement à M. et Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme H... G... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC01001, 20NC01002 2