Procédures devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 23 avril 2020, sous le n° 20NC00979, Mme B... E... épouse C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901827 du tribunal administratif de Besançon du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 20 août 2019 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'(OFII) ne peut pas être regardé comme ayant été signé conformément à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dès lors que l'apposition de signatures numérisées ne permet pas de garantir l'identité des signataires et l'intégralité en l'absence de procédé fiable d'identification au sens de l'article 1367 du code civil ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- il est demandé à la cour, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de solliciter la communication des ressources documentaires qui ont fondé l'avis du collège des médecins de l'OFII afin d'en connaître les dates et le contenu ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.
II.) Par une requête, enregistrée le 23 avril 2020, sous le n° 20NC00982, M. A... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901564 du tribunal administratif de Besançon du 5 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 20 août 2019 le concernant ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de son intégration dans la société française ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Mme et M. C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale deux décisions du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse C..., ressortissante kosovare, née le 20 janvier 1958 est entrée en France en 2015 puis le 12 décembre 2016, accompagnée de son fils majeur, M. A... C..., né le 18 mars 1998. Ils ont présenté des demandes d'asile qui ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 30 avril 2018 et 26 février 2019. Mme C... a présenté, le 8 avril 2019, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 août 2019, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un deuxième arrêté du 20 août 2019, le préfet du Doubs a obligé son fils, M. C..., à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, Mme et M C... relèvent respectivement appel des jugements n° 1901827 du 5 décembre 2019 et n°1901564 du 5 novembre 2019 par lesquels le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la situation de Mme C... :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 juin 2019 que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant en outre lui permettre de voyager sans risques vers son pays d'origine.
4. Il ressort des nombreux certificats médicaux versés aux débats, notamment du certificat médical confidentiel du 18 avril 2019 renseigné par le Dr Mekadmi, médecin généraliste, que l'intéressée souffre d'un syndrome psychotique post traumatique associé à un risque de décompensation psychiatrique grave. Or, par le contenu très circonstancié des quatre certificats médicaux des 8 octobre 2018, 11 mars et 23 mai 2019 et 9 janvier 2020, établis par le Dr Joly, médecin psychiatre qui suit la requérante, laquelle bénéficie depuis 2015 d'une psychothérapie bi-hebdomadaire, il est justifié que cette dernière ne pourra pas bénéficier du traitement nécessité par son état de santé en cas de retour au Kosovo. Dans ces conditions, ces documents médicaux sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précité. Dès lors, dans les circonstances très particulières de l'espèce, en se fondant sur cet avis et en mentionnant qu'aucun élément n'est de nature à le remettre en cause, le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché d'illégalité le refus de titre de séjour pour raisons de santé opposé à Mme C.... L'intéressée est par suite fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre est entachée d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
En ce qui concerne la situation de M. C... :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des certificats médicaux rédigés le 5 septembre et le 7 novembre 2019 par le Dr Joly, psychiatre, ainsi que de l'attestation d'une assistante sociale du 21 mars 2019, qu'à la date des arrêtés en litige, l'état de santé précaire de Mme C... nécessitait la présence à ses côtés de son fils, qui assiste cette dernière dans ses démarches de soins et l'aide dans son quotidien en tant qu'accompagnant de sa mère malade. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, M. C... est fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Doubs a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, celui-ci a entaché d'illégalité cette décision ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.
7. Il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés dans les deux requêtes, que Mme et M. C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à Mme et M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
10. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à Me F..., avocate de Mme et M. C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements n° 1901827 du 5 décembre 2019 et n° 1901564 du 5 novembre 2019 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.
Article 2 : Les arrêtés du 20 août 2019 par lesquels le préfet du Doubs a respectivement d'une part, refusé à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'autre part, a obligé M. C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer respectivement à Mme et M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me F..., avocate de Mme et M. C..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... épouse C... et à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC00979, 20NC00982 2