Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 1er et 4 juillet, 2 août, 30 septembre, 21 octobre et 17 décembre 2019, M. D... A... et Mme F... A... née B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 septembre 2018 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 20 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai à déterminer, le cas échéant, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur les refus de titre de séjour :
- il n'est pas établi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a délibéré collégialement ;
- les décisions méconnaissent l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le traitement nécessaire à l'état de santé de leur fille leur est inaccessible en Albanie ;
Sur les obligations de quitter le territoire :
- les décisions méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
- elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 18 juin 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., nés respectivement en 1963 et en 1970, et de nationalité albanaise, seraient entrés irrégulièrement en France le 5 mai 2016 selon leurs déclarations. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 octobre 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 septembre 2017. Le 16 octobre 2017, M. et Mme A... ont déposé une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade. Par arrêtés du 20 septembre 2018, le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 20 septembre 2018.
Sur la légalité des refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. M. et Mme A... font valoir qu'il n'est pas justifié que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a délibéré de manière collégiale. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 juillet 2018 porte la mention " après en avoir délibéré ". Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, implique nécessairement que les membres du collège de médecins ont pu confronter leur point de vue collégialement avant de rendre leur avis, même si les modalités de leur délibération ne sont pas précisées. L'avis du collège de médecins est également signé par les trois médecins qui ont délibéré ce qui établit le caractère collégial de leur délibération. Dès lors, au vu des mentions de cet avis, M. et Mme A... n'établissent pas que la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne revêt pas un caractère collégial. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. M. et Mme A... soutiennent que l'oxomémazine prescrit à leur fille n'est pas disponible en Albanie et que le tramadol, qui fait l'objet selon eux d'un trafic pharmaceutique, a un coût trop onéreux pour eux.
7. Pour refuser de délivrer un titre de séjour aux requérants, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 juillet 2018 qui indique que si l'état de santé de leur fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux et comptes-rendus médicaux du 19 janvier, 23 mars, 8 juin et 27 septembre 2018, que leur fille Anita, née en 2002 est atteinte d'une encéphalopathie dégénérative avec tétraparésie spastique. Elle a subi une arthrodèse pour une scoliose secondaire le 15 mars 2018. Elle bénéficie d'une prise en charge pour la mise à disposition d'un fauteuil roulant, d'un lève-malade et d'un lit médicalisé. Des séances de kinésithérapie lui sont également prescrites. Elle est régulièrement suivie par le service de chirurgie infantile orthopédique du centre hospitalier régional universitaire, par le centre de réadaptation pour enfants G... et par l'hôpital de Metz-Thionville. Quant aux médicaments prescrits à leur fille, le certificat adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 janvier 2018 indique qu'il n'y a pas de traitement médicamenteux particulier. Les ordonnances médicales produites par les requérants, antérieures aux décisions attaquées, ne prescrivent pas l'oxomémazine et le tramadol pour lesquels ils contestent la disponibilité dans leur pays d'origine. Par conséquent, les intéressés ne justifient pas que ces molécules étaient administrées à leur fille antérieurement aux ordonnances produites des 19 février et 6 mars 2019. Si ces éléments tendent à démontrer une aggravation de l'état de santé de leur fille postérieurement aux décisions attaquées, il est loisible aux requérants, s'ils s'y croient fondés, de déposer des nouvelles demandes de titre de séjour eu égard à ce changement dans les circonstances de fait. Dans ces conditions, eu égard à la situation existant à la date des décisions attaquées, M. et Mme A... ne peuvent se prévaloir de l'inaccessibilité de ces médicaments en Albanie. Par ailleurs, ils n'apportent aucun élément justifiant que le suivi pluridisciplinaire dont bénéficie leur fille en France ne pourrait être assuré dans leur pays d'origine. Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que leur fille Anita remplirait les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, par suite, que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du même code en refusant de délivrer un titre de séjour aux requérants.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 7, M. et Mme A... ne justifient pas que leur fille ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les arrêtés litigieux comportent les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions fixant le pays de destination. Ces décisions sont ainsi suffisamment motivées.
11. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 7, les requérants n'établissent pas que leur fille ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Albanie et que son état de santé s'aggraverait en cas de retour dans leur pays d'origine. Il s'ensuit que le préfet n'a pas entaché ses décisions fixant le pays de renvoi d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation des intéressés.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., Mme F... A... née B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC02062