Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2019, Mme E... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;
2°) d'annuler cet arrêté du 22 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de l'autoriser à déposer une demande d'asile en France en vue de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que le préfet n'a pas fait état des conditions de mise en oeuvre des critères hiérarchisés ;
- en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, et à titre subsidiaire, à son rejet.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable étant la reproduction littérale de la requête de première instance ;
- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née en 1992 et de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement en France le 26 mars 2019 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. A la suite de la consultation du fichier EURODAC, les services de la préfecture ont eu connaissance du dépôt d'une première demande d'asile auprès des autorités italiennes. Le 19 avril 2019, les autorités italiennes ont accepté de prendre en charge l'intéressée. Par arrêté du 22 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, l'intéressée faisant par ailleurs l'objet d'une décision de prolongation du délai de son transfert jusqu'au 21 mars 2021. Mme D... relève appel du jugement du 12 septembre 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 août 2019.
2. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal administratif, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. La clause dérogatoire, prévue à l'article 17 précité, laisse la faculté discrétionnaire à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement.
5. Mme D... soutient qu'elle ne bénéficiera pas en Italie d'une prise en charge adaptée à son état de grossesse et qu'elle s'inquiète quant à l'examen de sa demande d'asile, ayant déjà fait l'objet d'un refus en 2018. Elle se prévaut également de sa relation avec M. A..., père de son enfant.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français cinq mois avant la décision attaquée, à l'âge de vingt-sept ans. Durant l'instruction de sa demande d'asile, elle était hébergée avec M. A... dans une structure d'accueil de la Croix rouge à Troyes. Ce dernier, qui avait sollicité l'asile auprès de l'Italie, la Suisse et l'Allemagne, a fait l'objet d'un arrêté portant transfert aux autorités allemandes pris concomitamment à celui opposé à la requérante. M. A... n'a dès lors pas vocation à demeurer en France. En tout état de cause, comme l'a fait valoir le préfet en défense, les intéressés ayant un parcours migratoire différent et Mme D... n'établissant une communauté de vie qu'à compter du 2 avril 2019, date de leur hébergement par la Croix rouge à Troyes, leur relation est très récente. Par ailleurs, Mme D... n'établit ni qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un suivi de grossesse en Italie ni qu'elle ne serait pas en capacité de voyager. Lors de son entretien individuel, elle a déclaré ne pas avoir d'attache familiale en France. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de la requérante ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si l'intéressée s'est déjà vu opposer un rejet d'une première demande d'asile, cette circonstance ne saurait préjuger de l'instruction de sa nouvelle demande d'asile et ne fait pas obstacle à ce qu'elle conteste devant les juridictions italiennes les décisions prises par les autorités italiennes. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points précédents, et alors que l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressée en Italie, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 19NC02938