Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour : est insuffisamment motivée ; méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle ne pourra pas accéder au Nigeria aux soins que son état de santé nécessite ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ainsi que de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
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Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... E... D..., ressortissante nigériane née le 9 mars 1934, est entrée en France, le 30 mai 2018, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 7 avril au 6 juillet 2018. Le 6 juillet 2018, elle a saisi le préfet de l'Aube d'une demande tendant à obtenir la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir recueilli, le 21 février 2019, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de l'Aube a, par un arrêté du 13 mai 2019, refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 15 octobre 2019, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé afin de prendre à l'encontre de Mme D... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées sera écarté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
En ce qui concerne l'état de santé de Mme D... :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
4. Mme D... se prévaut de ce qu'elle souffre de problèmes cardiaques et d'audition qui nécessitent des soins continus et produit, au soutien de ses allégations, deux certificats établis par le Dr Pont, médecin généraliste, dont l'un est daté du 2 juillet 2018, énonçant que son état de santé " nécessite un suivi médical rapproché ainsi que la poursuite des investigations ". Mais ces certificats rédigés en termes généraux et peu circonstanciés ne sont pas de nature à établir qu'en suivant l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine, le préfet de l'Aube aurait inexactement apprécié l'état de santé de la requérante en particulier en ce qui concerne sa possibilité d'avoir accès aux soins au Nigeria.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme D... :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Mme D... se prévaut de la durée de sa présence en France, depuis le mois de mai 2018, de ce qu'elle est entrée sur le territoire pour y rejoindre sa fille, titulaire d'une carte de résident, qui assure sa prise en charge, et de ce qu'elle rencontre des problèmes de santé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante, qui est entrée en France à l'âge de 84 ans, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Nigéria, où résident quatre de ses cinq enfants, ainsi que ses frères et soeurs. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de la requérante, la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée et ne méconnait ni les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article 8 de la convention européenne des droits humains et de sauvegarde des libertés fondamentales. Elle n'est pas, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ainsi qu'en ce qui concerne les conséquences de cette décision sur sa situation.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la requérante ne peut se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
8. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 19NC03303 2