Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, Mme B... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 8 novembre 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités finlandaises et l'a assignée à résidence ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 8 novembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'agent de la préfecture qui a mené son entretien individuel n'est pas identifiable et il n'est pas établi que ce dernier disposait d'une délégation de signature régulière ;
- la Finlande n'est pas responsable de sa demande d'asile dès lors qu'elle n'a jamais déposé de demande d'asile auprès des autorités finlandaises et qu'elle n'a effectué aucun voyage à destination de ce pays ;
- l'article 16 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 est applicable, sa fille étant à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, et à titre subsidiaire, à son rejet.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable étant la reproduction littérale de la requête de première instance ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née en 1977 et de nationalité russe, est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa court séjour. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 8 octobre 2019. A la suite de la consultation du fichier " Visabio ", les services de la préfecture ont eu connaissance que l'intéressée s'est vu délivrer un visa par les autorités finlandaises en cours de la validité à la date du dépôt de la demande d'asile. Les autorités finlandaises ont été saisies d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de Mme A... le 25 octobre 2019, qui ont donné leur accord le 30 octobre 2019. Par arrêtés du 8 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités finlandaises et l'a assignée à résidence. Mme A..., qui par ailleurs a fait l'objet le 14 janvier 2020 d'une mesure de prolongation du délai de transfert, relève appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 8 novembre 2019.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. S'il est vrai que le résumé de l'entretien individuel réalisé avec Mme A..., assistée d'un interprète en langue russe, ne comporte ni le nom ni la qualité de l'agent des services préfectoraux ayant conduit cet entretien, mais sa seule signature, aucune disposition législative ni réglementaire n'impose d'apporter à l'étranger concerné une telle précision. En outre, il ne ressort ni de ce résumé, ni d'aucune autre pièce du dossier que cet agent n'aurait pas été qualifié pour mener l'entretien. Il s'ensuit que l'entretien s'est déroulé dans des conditions régulières, ne privant la requérante d'aucune garantie. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire, que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, qui revêt en tout état de cause le caractère d'une mesure préparatoire ne comportant pas en tant que tel d'effet juridique sur la personne concernée, devrait bénéficier d'une délégation de signature. Par suite, les moyens tirés du vice de compétence et d'irrégularité de l'entretien individuel doivent être rejetés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Si le demandeur est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'Etat membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la consultation du système Visabio, que Mme A... a déposé le 8 août 2019 une demande de visa auprès du consulat de Finlande en Russie, qui lui a été délivré le 29 août 2019. Le visa de court séjour était en cours de validité à la date de la décision attaquée. Il s'ensuit, quand bien même Mme A... n'aurait jamais voyagé en Finlande et aurait effectué un vol direct entre la Russie et la France, qu'en application des dispositions du 1 de l'article 12 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013, la Finlande est responsable de la demande d'asile de Mme A... déposée en France. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la France et non la Finlande serait l'Etat responsable de sa demande d'asile.
6. Enfin, aux termes de l'article 16 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des Etats membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un Etat membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les Etats membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. ".
7. Mme A... ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions en arguant qu'elle voyage avec sa fille mineure à sa charge dès lors que la requérante n'établit pas que son enfant résiderait légalement en France.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC03570