Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2020, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de faire droit à leur demande et de se déclarer compétent pour étudier leur demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ;
- ils sont entachés d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles 4 et 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a méconnu les articles 2, 11, 16, 17 et 19.3 du règlement (UE) n°604/2013 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen complet de leur situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 53-1 de la constitution du 4 octobre 1958.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B....
Il soutient que les requérants ne relèvent plus de la procédure dite de Dublin.
Par deux décisions du 11 février 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. et Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et son épouse Mme E..., ressortissants albanais, se sont présentés le 2 août 2019 au guichet unique de la préfecture de la Marne en vue de demander l'asile. La comparaison du relevé décadactylaire de leurs empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé qu'ils avaient déjà fait une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 7 mai 2019. Le 9 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge des requérants. Le 13 août 2019, les autorités allemandes ont donné leur accord à cette mesure en application de l'article 18-1-d du règlement n°604/2013 susvisé. En conséquence, le préfet du Bas-Rhin a, par deux arrêtés du 29 août 2019, décidé leur transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leur demande d'asile. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés de transfert.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et d'astreinte relatives à l'arrêté de transfert :
2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L.742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 29 août 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. et Mme B... auprès des autorités allemandes sont intervenus moins de six mois après que ces dernières ont explicitement donné leur accord pour la prise en charge des intéressés, et donc dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu le 12 septembre 2019, date à laquelle M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés litigieux. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du Bas-Rhin le 27 septembre 2019 du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a statué sur leur demande. Comme le reconnaît le préfet, ce nouveau délai de six mois étant expiré le 26 mars 2020, l'Allemagne a été libérée, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n°604/2013, de son obligation de prendre en charge M. et Mme B... et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de ces derniers a été transférée, à compter de cette date, à la France. Il s'ensuit qu'à la date du 26 mars 2020, les décisions de transfert sont devenues caduques et ne pouvaient plus être légalement exécutées. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de M. et Mme B... tendant à l'annulation des décisions de transfert sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme B... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... aux fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme D... B... née E... ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 20NC00769 2