Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2020, Mme et M. Martinez, représentés par Me Marcantoni et Ferretti, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- l'existence du prêt consenti par Mme A... à la SCI Janem, notamment constatée par des actes notariés, est parfaitement établie par les différentes pièces produites alors que l'existence d'un tel prêt peut être rapportée par tous moyens et n'est pas subordonnée à la formalité de l'enregistrement ;
- les avances consenties à la SCI Martinez par la SCI Janem à l'occasion de deux ventes d'immeubles ont été réglées par l'acquéreur dans les délais stipulés, par compensation s'agissant de la seconde opération, de sorte que l'intérêt prévu en cas de paiement tardif n'était pas dû et aucun produit ne devait être comptabilisé à ce titre.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. Martinez sont associés à 100 % de la SCI Janem ayant une activité de construction d'immeubles en vue de la vente, sur les résultats de laquelle ils sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en vertu de l'article 8 et du I de l'article 239 ter du code général des impôts. La SCI Janem a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ayant donné lieu à des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux portées à sa connaissance par proposition de rectification du 18 janvier 2016. Les conséquences de cette vérification en ce qui concerne les revenus de M. et Mme Martinez ont été portées à leur connaissance par lettre modèle 2120 du 27 janvier 2016. Les intéressés n'ayant pas accepté ces rectifications, elles ont été confirmées par lettre modèle 3926 du 4 mai 2016 ainsi qu'après des entrevues avec le supérieur hiérarchique et l'interlocuteur départemental. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales ont été mises en recouvrement le 30 juin 2017. Les réclamations préalables présentées par les époux Martinez ont été rejetées les 3 août et 6 décembre 2017. Mme et M. Martinez relèvent appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué du 5 février 2020 énonce de manière suffisante les considérations de droit et de fait sur lesquelles les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments des parties, se sont fondés afin d'écarter les moyens soulevés par les époux Martinez en particulier en ce qui concerne l'existence d'un prêt qui aurait été consenti par Mme A... à la SCI Janem. Par suite, les requérants ne sont fondés à soutenir ni que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, ni qu'il serait entaché d'un défaut de réponse aux moyens soulevés par le demandeur.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'existence d'un emprunt :
3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 54 du même code applicable aux contribuables soumis à un régime réel d'imposition : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Pour l'application de ces dispositions il appartient au contribuable de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
4. Il ressort des propositions de rectification adressées à la SCI Janem et aux époux Martinez que la comptabilité de la SCI Janem comportait aux 31 décembre 2013 et 2014 un compte 467500 " débiteurs créditeurs divers " présentant un solde créditeur de 227 421,63 euros. Cette dette a été présentée par la SCI Janem comme correspondant à un prêt que lui aurait consenti Mme A..., mère de Mme Martinez, ayant donné lieu à trois versements de fonds le 22 mars 2010 à hauteur de 157 421,63 euros et le 10 mai 2010 à hauteur de 40 000 euros et 30 000 euros, et destiné, toujours selon la société, à financer l'acquisition de terrains à bâtir en vue de la construction de logements neufs. Estimant que la réalité de ce prêt n'avait pas été établie par la SCI Janem, le service a réintégré dans le bénéfice imposable de l'année 2013 le montant du solde créditeur de ce compte en tant que passif injustifié.
5. Il résulte de l'instruction que la réalité des versements effectués par Mme A... au profit de la SCI Janem les 22 mars et 10 mai 2010 n'est pas contestée. Toutefois, ces flux financiers ne sauraient établir par eux-mêmes l'existence d'un contrat de prêt entre Mme A... et la SCI Janem. Si en cours de procédure la SCI Janem a présenté une reconnaissance de dette par Mme Martinez envers Mme A... ainsi qu'une déclaration de contrat de prêt modèle 2062, d'ailleurs non déposée, faisant état d'un prêt consenti par Mme Martinez au profit de la SCI Janem, ces actes, au demeurant non enregistrés, ne sauraient faire la preuve d'un contrat de prêt liant la SCI Janem à Mme A.... De la même manière, l'acte de vente du 16 décembre 2014 et celui rectificatif du 1er août 2017 par lequel les époux Martinez ont cédé un appartement à Mme A... et ont accepté d'être payés par compensation avec la dette de la SCI Janem envers Mme A..., à laquelle ils se seraient retrouvés subrogés en qualité de créanciers, ne sont pas non plus de nature à établir l'existence du prêt litigieux présenté comme ayant été conclu en 2010. La SCI Janem n'a été en mesure de produire aucun justificatif, contemporain de l'acte allégué, du montant du prêt, de sa durée, des échéances de remboursement et du taux d'intérêt qui auraient été stipulés, éléments que les époux Martinez ne précisent même pas dans leurs écritures. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a estimé que l'existence d'une dette de la SCI Janem à l'égard de Mme A... correspondant à un prêt conclu en 2010 n'était pas établie et a réintégré le montant de ce passif injustifié dans le bénéfice de l'année 2013 en application des règles ci-dessus rappelées.
En ce qui concerne l'existence d'une renonciation à recettes :
6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt.
7. Il ressort des propositions de rectification adressées à la SCI Janem et aux époux Martinez, que cette société a vendu les 4 décembre 2013 à la SCI Martinez, dont les requérants sont les associés, et le 17 février 2014 aux époux Martinez, deux immeubles moyennant un prix de vente payable, selon le cas, dans les huit jours et deux mois de l'acte, respectivement, ces actes de vente prévoyant le versement d'un intérêt au taux de 6 % l'an en cas de paiement tardif. Le service, estimant que le prix de vente de ces appartements avait été payé tardivement ainsi qu'en attestait la comptabilité de la société au 31 décembre 2014, date à laquelle aucun règlement n'avait été enregistré aux comptes client des acquéreurs, a considéré que l'intérêt de retard stipulé aurait dû être facturé à ces derniers et qu'à défaut, le montant de la renonciation à recettes devait être réintégré dans le bénéfice imposable de la SCI Janem. La comptabilité de la SCI Janem faisant effectivement état de ce que les ventes litigieuses n'avaient toujours pas été réglées au 31 décembre 2014 par les acquéreurs et qu'aucun intérêt ne leur avait été pourtant facturé, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve des faits sur lesquels elle s'est fondée afin de conclure à l'existence d'un acte anormal de gestion.
8. Afin de justifier que la vente d'un terrain à bâtir du 4 décembre 2013 aurait été payée par la SCI Martinez, dans le délai stipulé, le jour même de l'acte, pour la somme de 60 000 euros toutes taxes comprises (TTC), entre les 4 et 6 décembre 2013, directement en l'étude du notaire par l'établissement de crédit prêteur des deniers, les époux Martinez entendent se prévaloir d'une copie d'écran d'ordinateur à la date du 1er février 2016, difficilement lisible, censée représenter le compte de la SCI Martinez au sein de l'étude de notaire SCP Kuhn-Wachtel-Weibel, faisant état de la vente litigieuse ainsi que d'un prêt hypothécaire du Crédit Agricole. Cependant, cette pièce, d'origine indéterminée, intitulée " SCI Martinez Martinez Elodie ", ne permet pas d'identifier avec certitude l'identité des parties et ne saurait attester la date exacte du paiement au profit du vendeur. Si les époux Martinez entendent également se prévaloir d'un procès-verbal d'assemblée générale des associés de la SCI Janem daté du 30 décembre 2013, comportant une délibération par laquelle les associés reconnaissent que le prix de vente de l'appartement litigieux a été payé par l'acquéreur, sans aucunement préciser au demeurant la date exacte de cet évènement, il résulte de l'instruction que le registre d'assemblée n'a jamais été présenté au vérificateur en cours de procédure de contrôle de sorte que ce procès-verbal d'assemblée générale ne saurait être regardé comme probant alors que la comptabilité de la société Janem ne fait état d'aucun règlement de la vente litigieuse par la SCI Martinez au 31 décembre 2014. Il résulte de ces éléments que la vente du 4 décembre 2013 n'a pas été réglée par la SCI Martinez dans les huit jours de l'acte et que la décision de la SCI Janem de renoncer à facturer les intérêts de retard stipulés ne correspond pas à une gestion commerciale normale. C'est par suite à juste titre que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de la SCI Janem le montant des intérêts non réclamés aux acquéreurs à l'occasion de la vente litigieuse.
9. Afin de justifier que le paiement de la vente d'un appartement de 120 000 euros TTC aux époux Martinez, par acte du 17 février 2014, est intervenu au plus tard le 18 avril 2014, dans le délai stipulé, les époux Martinez entendent se prévaloir d'un procès-verbal de l'assemblée générale des associés de la SCI Janem du 5 mars 2014 par lequel les associés reconnaissent que le paiement du prix de vente de l'appartement intervient par compensation intégrale avec les dividendes dus par la société aux époux Martinez. Cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le registre des délibérations n'a jamais été présenté à l'administration au cours du contrôle de sorte que ce document doit être regardé en l'espèce comme ayant été établi pour les besoins de la cause et dépourvu de valeur probante alors que la comptabilité de la société Janem ne fait état d'aucun règlement de la vente litigieuse par les époux Martinez au 31 décembre 2014, non plus que d'aucuns dividendes dus aux associés. C'est par suite à juste titre que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de la SCI Janem le montant des intérêts non réclamés aux acquéreurs à l'occasion de la vente litigieuse.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. Martinez ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme et M. Martinez est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... Martinez, M. C... Martinez et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 20NC00859 6