Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler les décisions du 11 mai 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen préalable et particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen préalable et particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, la préfète ayant indiqué qu'il n'a engagé aucune démarche administrative afin de régulariser sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance en date du 7 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juin 2021 à 12h00.
La préfète du Bas-Rhin a adressé à la cour un mémoire, enregistré le 16 septembre 2021 et non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1975 et de nationalité géorgienne, serait entré irrégulièrement en France en 2003 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2007. Sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée le 2 juillet 2018. Le 11 mai 2020, M. B... a été interpellé aux fins de vérification de sa situation administrative. Par arrêté du 11 mai 2020, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions.
Sur l'arrêté dans son ensemble :
2. M. B... se borne à reprendre dans sa requête d'appel les moyens tirés des défauts de motivation et d'examen particulier de sa situation sans les assortir d'aucune justification nouvelle, ni d'aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal aux points 4, 12 et 16 du jugement.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la présence continue en France de M. B... n'est établie qu'à compter de l'année 2012, l'intéressé ne produisant aucun élément justifiant de sa résidence sur le territoire français en 2011. Il a bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé à compter de 2012, régulièrement renouvelé jusqu'à la décision du 6 juin 2019 qui lui refuse le séjour. Ainsi, il n'avait pas vocation à demeurer en France, les titres de séjour lui ayant été délivrés uniquement afin de lui permettre de bénéficier de soins en France. Par ailleurs, lors de son audition le 11 mai 2020 par la gendarmerie nationale, l'intéressé a déclaré être célibataire sans enfant et avoir une relation avec une compatriote depuis trois mois. M. B... a déclaré ne pas avoir de famille en France. S'il a régulièrement travaillé depuis son arrivée en France et a acheté une maison le 11 février 2020, M. B... ne démontre pas une insertion particulière en France, notamment en ne se prévalant pas de liens sociaux qu'il aurait tissés et en ne maîtrisant pas la langue française. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin ne pouvait pas légalement l'obliger à quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
9. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire, la préfète s'est fondée sur les circonstances que M. B... était entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il était défavorablement connu des services de police, qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement, qu'il n'a pas entamé de démarches pour régulariser sa situation, qu'il ne justifie pas d'un hébergement effectif et permanent et qu'il a présenté un contrat de travail en dépit de l'absence de titre de séjour.
10. Si c'est à tort que la préfète s'est fondée sur les motifs tirés de ce que M. B... n'a pas entamé de démarches pour régulariser sa situation et qu'il ne justifie pas d'un hébergement effectif et permanent, la décision attaquée est également fondée sur la circonstance qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré, lors de son audition par les services de gendarmerie le 11 mai 2020, son intention de rester sur le territoire français. Il est constant qu'il n'a pu justifier être en possession d'un document de voyage en cours de validité. Au demeurant, la production d'un seul courrier du 10 novembre 2017 au consulat de Géorgie en France ne suffit pas à justifier de démarches suffisantes de sa part pour tenter d'obtenir un passeport. Dans ces conditions, et même si le requérant justifie d'une résidence effective et permanente et a sollicité un titre de séjour le 2 novembre 2017, refusé le 6 juin 2019, l'intéressé ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes. Par suite, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français peut, en l'espèce, être regardé comme établi. Il s'ensuit que la préfète du Bas-Rhin aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ces seules circonstances, et a pu ainsi légalement refuser à M. B... le bénéfice d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En second lieu, la circonstance que M. B... serait inséré en France ne permet pas de démontrer à elle-seule qu'il présente des garanties de représentation suffisantes pour l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par suite, la décision lui refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Si M. B... soutient qu'il est menacé dans son pays d'origine, le requérant, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun document de nature à établir le bien-fondé de ses affirmations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
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N° 20NC03030