Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 févier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance du 4° de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il réside en France depuis plus de dix ans ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a également entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations et dispositions ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis septembre 2008 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa décision comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet aurait dû préalablement saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) comme le prévoit le 10° de l'article L. 511-4 et l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., né le 4 mai 1946 et de nationalité kosovare, est entré irrégulièrement en France le 1er septembre 2008 afin d'y demander l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et du droit d'asile (OFPRA) le 27 février 2009, refus confirmé par la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 16 novembre 2009. Il a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour " santé " assorti d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par un arrêté du 9 avril 2010 dont la légalité a été validée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 septembre 2010. Il a fait l'objet d'un deuxième arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire du 2 mars 2013, édicté par le préfet de la Côte d'Or. Le 7 novembre 2018, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir sa durée de présence en France, ses craintes en cas de retour au Kosovo et son état de santé. Par arrêté du 4 février 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 4 février 2019.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. Le requérant fait valoir qu'il réside de manière habituelle en France depuis septembre 2008, soit plus de dix ans à la date de la décision attaquée et que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour conformément aux dispositions de l'article L. 313-14 précité. Cependant, les pièces produites par l'intéressé, consistant notamment, en des certificats médicaux, des ordonnances médicales et des résultats d'analyses médicales, établissent uniquement sa présence ponctuelle en France lors de consultations médicales, mais elles ne démontrent pas la réalité de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans. Comme le fait valoir le préfet en défense, M. C... n'établit pas avoir eu une résidence habituelle en France entre 2012 et 2018 en se bornant à produire, outre les pièces médicales précitées, une attestation d'hébergement qui n'est pas datée ni signée et qui ne précise pas le nom de la personne hébergée, ainsi qu'une seule quittance de loyer établie à son nom le 5 juillet 2018 pour un logement à Colmar. D'autre part, contrairement à ce que le requérant affirme dans sa requête, la production aux débats des cartes d'admission AME pour les périodes du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2013, du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014, puis du 1er novembre 2016 au 31 octobre 2017 ne permettent pas de justifier de sa résidence habituelle en France depuis dix ans. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. C... se prévaut de la durée de sa présence en France et celle de son épouse et son fils. Toutefois, pour les raisons précédemment évoquées au point 3, il n'est pas établi que le requérant ait eu une résidence habituelle en France depuis dix ans. Il n'est par ailleurs pas contesté que son épouse se trouve également en situation irrégulière et qu'elle a vocation à retourner au Kosovo. En outre, le requérant ne fait état d'aucune intégration sociale sur le territoire français et il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où réside l'un de ses fils et où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante-deux ans. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que son état de santé nécessite un suivi médical, il ne ressort pas des certificats médicaux produits, dont le plus récent date du 23 octobre 2017, qu'un tel suivi ne pourrait pas être réalisé au Kosovo. Dès lors, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser un motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation au regard de sa vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet, en prenant la décision contestée, a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de titre de séjour contresigné par M. C..., que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par suite, il ne peut pas utilement soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas d'office sa demande au regard de ces dispositions.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les dispositions et les stipulations précitées, ni qu'il aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
10. M. C... fait valoir qu'en raison de la prostatectomie qu'il a subi en France et du syndrome de stress post-traumatique dont il souffre, il ne peut pas retourner au Kosovo. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que si son état de santé nécessite une surveillance carcinologique avec un contrôle régulier du taux de PSA ainsi que plusieurs traitements pour des problèmes digestifs, articulaires et psychologiques, les pièces médicales produites ne sont pas, eu égard à leur contenu, de nature à établir qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen, dans toutes ses branches, tiré de la méconnaissance des articles L. 511-4 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, M. C... ne peut pas utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui régissent uniquement les conditions de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.
12. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 10 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché la décision attaquée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si M. C... soutient qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément probant justifiant de la réalité de risques actuels et personnels en cas de retour au Kosovo. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC00385 2