Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 14 et le 18 octobre 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 22 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé et au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- il n'est pas établi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a délibéré collégialement ;
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un retour au Kosovo risque de provoquer une aggravation significative de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 16 juin 1997 et de nationalité kosovare, serait entré irrégulièrement en France le 28 avril 2015 selon ses déclarations, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 octobre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juin 2016. Le 6 juillet 2016, M. A... a déposé une première demande de titre de séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées, suite à une deuxième demande de titre de séjour formée le 28 décembre 2016, par un courrier du 9 février 2017. Le 22 mai 2017, M. A... a sollicité pour la troisième fois son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 22 octobre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 octobre 2018.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. M. A... fait valoir qu'il n'est pas justifié que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a délibéré de manière collégiale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 30 juin 2018 porte la mention " après en avoir délibéré ". Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, implique nécessairement que les membres du collège de médecins ont pu confronter leur point de vue collégialement avant de rendre leur avis, même si les modalités de leur délibération ne sont pas précisées. L'avis du collège de médecins est également signé par les trois médecins qui ont délibéré ce qui établit le caractère collégial de leur délibération. Par suite, au vu des mentions de cet avis, M. A... n'établit pas que la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne revêt pas un caractère collégial. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté sans qu'il ne soit besoin, que, comme le demande le requérant, le préfet prouve que les médecins du collège de l'OFII " ont bien délibéré tous en même temps, sinon au même endroit ".
4. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".
5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire. Il est constant que M. A... souffre de troubles psychologiques et d'une dysplasie bilatérale des hanches. Si le requérant reconnait en appel que l'Alprazolam est un médicament commercialisé au Kosovo, il soutient que sa disponibilité est très aléatoire. Toutefois, en se bornant à produire des documents de 2016 dénonçant les difficultés du système de santé de ce pays, le requérant ne justifie pas que le traitement approprié à sa pathologie ou un traitement équivalent au traitement médicamenteux qui lui est prescrit en France n'existerait pas dans son pays d'origine. Les certificats médicaux du 25 octobre 2018 et du 23 septembre 2019 établis à la demande du requérant par le Dr Masius, médecin généraliste, postérieurement à l'arrêté contesté et reprenant les déclarations de la soeur de l'intéressé, les certificats médicaux émis les 11 avril et 5 août 2017 puis le 15 octobre 2019 par le Dr Schong, psychiatre, les documents généraux relatifs au syndrome de stress post traumatique et à l'importance du lien thérapeutique, ainsi que l'étude de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) sur les soins psychiatriques au Kosovo ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et ne permettent pas d'infirmer l'appréciation du préfet selon lesquels le requérant pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. D'autre part, s'il se prévaut de la continuité du lien thérapeutique et de la nécessité d'un environnement familial stable, ces circonstances ne permettent pas d'écarter la possibilité de faire l'objet d'un suivi médical adapté dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la décision par laquelle le préfet de la Moselle a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... fait valoir que la mesure d'éloignement méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale en France dès lors qu'il y a transféré le centre de ses intérêts " matériels et moraux ". Toutefois, comme il a été indiqué au point 1, le requérant, qui est entré en France en avril 2015 et y résidait depuis trois ans et demi à la date de la décision attaquée, s'est maintenu sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 15 décembre 2016, et dont les termes lui ont été rappelés par une décision du 9 février 2017 rejetant pour la deuxième fois sa demande de délivrance d'un titre de séjour. La circonstance que son frère et sa soeur résident régulièrement en France ne suffit pas à établir qu'il aurait désormais transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et comme l'a retenu le tribunal administratif de Strasbourg, au regard de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, justifiée également par l'instruction de sa demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle, en prononçant à son encontre la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, la décision contestée, qui mentionne l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que le requérant n'a pas justifié qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, elle comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté comme manquant en fait.
12. En second lieu, si M. A... soutient qu'un retour au Kosovo risquerait d'aggraver de manière significative son état de santé, il n'apporte aucun élément probant de nature à justifier cette allégation, alors que dans sa décision du 30 juin 2016, la cour nationale du droit d'asile a retenu le propos peu crédible de l'intéressé quant aux menaces invoquées. Par suite, en fixant le Kosovo comme pays de destination, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 19NC02951 2