Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, Mme B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 ;
3°) de faire injonction à l'autorité préfectorale du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans les quinze jours de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour : est entaché d'erreur de droit en ce qu'elle avait droit au séjour lorsqu'elle s'est mariée avec un ressortissant français de sorte qu'elle n'était pas tenue de solliciter un visa de long séjour à l'appui de sa demande de titre conjoint de français et alors qu'elle serait exposée à de mauvais traitements si jamais elle retournait en Côte d'Ivoire ; est entaché d'erreur d'appréciation en ce que la sincérité et l'intensité de sa relation avec son époux sont établies ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2006-1516 du 8 décembre 2005 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 30 décembre 1984, est entrée irrégulièrement en France en septembre 2017 selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile le 26 septembre 2017. Elle a déposé une demande de titre de séjour le 4 mars 2019 en qualité de conjointe de français en faisant valoir son mariage célébré le 28 juillet 2018. Par un arrêté du 11 juin 2019, l'autorité préfectorale a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/(...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1./Le cas échéant, la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 peut être délivrée par l'autorité diplomatique ou consulaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 212-1-2 du même code alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article./Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais./Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
3. Il résulte des dispositions ci-dessus reproduites que la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français est subordonnée à la délivrance d'un visa de long séjour. Ce visa de long séjour ne peut être accordé par l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour qu'à la condition d'une entrée régulière sur le territoire par l'étranger. Il n'est pas contesté que Mme B... est entrée irrégulièrement en France. Dès lors, c'est à bon droit que l'autorité préfectorale afin de refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme B... en qualité de conjointe de français, s'est fondée sur l'absence d'un visa de long séjour et sur la nécessité pour elle de l'obtenir auprès des autorités consulaires en Côte d'Ivoire. Si Mme B... soutient qu'elle se trouvait admise au séjour en sa qualité de demandeuse d'asile lors de son mariage, cette circonstance est sans incidence sur l'exigence d'un visa de long séjour. Demeure également sans incidence la circonstance, au demeurant non établie ainsi qu'il sera dit ci-après, que l'intéressée serait exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme B... :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. A la date de la décision attaquée, Mme B... n'était mariée avec son époux français que depuis onze mois. Compte tenu des attaches familiales qui sont les siennes en Côte d'Ivoire, des effets de la décision attaquée et de la durée de sa présence en France, le refus de titre de séjour qui lui a été opposée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait de plein droit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
9. Par les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, l'obligation de quitter le territoire ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. La requérante soutient qu'après avoir fui son pays d'origine vers la Tunisie pour éviter l'excision à sa fille, elle a été conduite en Lybie et contrainte de se prostituer afin de payer son voyage vers l'Italie, sa fille étant décédée lors de la traversée. Toutefois, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, ni sur ses craintes de subir les représailles de sa famille en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N°20NC00691 6