Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, M. E..., représenté par Me Paulhac, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 ;
3°) de faire injonction à l'autorité préfectorale de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de quinze euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente, Mme B... ne pouvant se prévaloir de la délégation de signature qui lui avait été donnée par l'ancien préfet dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué un nouveau préfet avait été nommé depuis le 15 janvier 2020 ; est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour : fait une inexacte application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il démontre participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ; méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2006-1516 du 8 décembre 2005 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., né le 30 avril 1972, ressortissant de la République Démocratique du Congo, est entré en France irrégulièrement le 23 septembre 2013. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a fait l'objet d'un refus par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 juin 2015 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 juillet 2015. Le 13 janvier 2016, le préfet de l'Aube a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif le 29 juin 2016, auquel l'intéressé n'a pas déféré. Le 21 juin 2018, il a sollicité du préfet de la Marne la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 20 janvier 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 26 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :
En ce qui concerne la compétence du signataire :
2. Aux termes de l'article 45 du décret ci-dessus visé du 29 avril 2004 : " I. - En cas d'absence ou d'empêchement du préfet, sans que ce dernier ait désigné par arrêté un des sous-préfets en fonction dans le département pour assurer sa suppléance, celle-ci est exercée de droit par le secrétaire général de la préfecture. En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture. ". En vertu de cette disposition, le secrétaire général exerce de plein droit, dans les cas de vacance, d'absence ou d'empêchement qu'elle vise, l'ensemble des pouvoirs dévolus au préfet, y compris ceux visés à l'article 11-1 de ce décret selon lequel : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers (...) ".
3. L'arrêté litigieux, daté du 20 janvier 2020, a été signé par " la secrétaire générale chargée de l'administration de l'Etat dans le département ". Si M. D... A... a été nommé préfet de l'Aube par un décret du Président de la République du 15 janvier 2020, publié au Journal Officiel du 16 janvier 2020, il n'a été installé dans ses nouvelles fonctions qu'à compter du 3 février 2020 ainsi qu'il ressort de la " Lettre des services de l'Etat " n° 23, du mois de février 2020, publication accessible sur le site internet de la préfecture de l'Aube. Avant cette installation, la secrétaire générale a assuré de plein droit l'intérim à compter du départ du prédécesseur de M. A.... Par suite, Mme Sylvie Cendre, secrétaire générale de la préfecture de l'Aube, a pu régulièrement signer l'arrêté litigieux et le moyen invoqué de ce chef sera écarté.
En ce qui concerne la motivation :
4. L'arrêté contesté comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles le préfet de l'Aube s'est fondé afin de prendre à l'encontre de M. E... les décisions qu'il conteste. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera dès lors écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/(...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'étranger à l'entretien de son enfant et son implication dans son éducation.
6. M. E... a reconnu le 3 juillet 2017 être le père d'une enfant française née le 26 juillet 2017 de sa relation avec une ressortissante française originaire de la République du Congo. Pour justifier contribuer financièrement à l'entretien de sa fille, il précise verser à la mère de l'enfant une pension alimentaire, participer aux courses et achats de vêtements pour leur fille et être présent lors de rendez-vous chez la pédiatre. Pour justifier ces allégations, il produit une attestation de la mère de l'enfant, deux demandes de virement en sa faveur 90 et 100 euros en octobre et janvier 2020, quelques tickets d'achat, des photographies et une déclaration du 8 novembre 2019 du médecin attestant avoir vu l'enfant en consultation accompagnée par son père. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est hébergé à titre gratuit par une amie, et qu'au cours de l'année 2019, il a été stagiaire de janvier à mai 2019 pour une rémunération moyenne de 425 euros, avant d'être recruté sous contrat à durée déterminée en qualité d'ouvrier des espaces verts de La Chapelle-Saint-Luc à compter d'août 2019 pour un salaire moyen de 1 300 euros. D'une part, s'il n'apporte aucun élément sur les ressources de la mère de l'enfant, il ne justifie pas au regard du montant de ses propres revenus, participer à l'entretien de sa fille. D'autre part, alors qu'il habite le même immeuble que celle-ci, il n'entretient pas de relations particulières avec sa fille sur le plan de l'éducation ainsi qu'il ressort notamment de son audition par les services de police du 3 juin 2019. Au regard de ces éléments, le requérant ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Aube des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de M. E... :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes enfin de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. M. E... fait valoir qu'il vit depuis plus de six années en France, qu'il est le père d'une petite fille âgée de deux ans et entretient de bons rapports avec la mère de celle-ci et qu'il est intégré professionnellement. Toutefois, il n'établit pas entretenir de vie familiale avec son enfant, se déclare célibataire et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 13 janvier 2016 par le préfet de l'Aube. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans et où vivent ses cinq autres enfants ainsi que sa mère et n'apporte aucune information sur la présence en France de ses six frères et sœurs en situation régulière. Dès lors, eu égard aux conditions de séjour de M. E... en France, et alors même qu'il aurait participé à des actions de formation et obtenu plusieurs contrats de travail, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Doit de même être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il a été dit ci-dessus que M. E... n'établit ni sa contribution à l'entretien et l'éducation de sa fille mineure, ni même de la réalité des liens affectifs avec celle-ci. Par les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. E... doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
9. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire tandis que par les mêmes motifs que ci-dessus, cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté tandis que par les mêmes motifs que ci-dessus, cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et ne méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 20NC01501 3