Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2020, M. B..., représenté par Me Chaïb, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 décembre 2019 ;
2°) d'annuler cette décision du 18 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réétudier sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges et le préfet ont commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du caractère sérieux du suivi de ses études et de ses conditions d'existence en France ;
- il n'a pas été tenu compte du décès de ses parents et de son inscription en CAP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 17 mai 2000, est entré irrégulièrement en France, le 17 octobre 2016 à l'âge de seize ans selon ses déclarations. Il a été pris en charge par le service de protection de l'enfance, en exécution d'une ordonnance de placement provisoire du tribunal de grande instance de Nancy en date du 7 décembre 2016, puis par l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle, en exécution d'un jugement en assistance éducative du 4 janvier 2017. Par courrier du 31 janvier 2018, M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour au préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a rejeté cette demande par une décision du 18 juillet 2018. M. B... relève appel du jugement du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir constaté que l'intéressé a été confié à l'aide sociale à l'enfance, a retenu qu'il ne justifiait pas avoir commencé une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle qualifiante et qu'il entretenait toujours des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., désormais majeur, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance après son entrée en France en tant que mineur isolé alors qu'il n'avait pas encore 17 ans. Il a intégré le dispositif d'initiation aux métiers par alternance (DIMA) après du centre de formation des apprentis (CFA) de Toul pour l'année 2017/2018. Il a été admis à intégrer un CAP " Agent polyvalent de restauration " au lycée professionnel du Toulois à Toul au titre de l'année scolaire 2018/2019, dans le cadre duquel il a réalisé plusieurs stages dans la restauration. Le requérant a fait preuve de sérieux dans le suivi de cette formation comme en attestent ses bulletins de note, les appréciations de ses professeurs et les évaluations de stage qui, pour ces dernières, relèvent sa motivation et sa volonté d'intégration. Si certains de ses professeurs soulignent ses difficultés de compréhension de la langue française, il n'est pas contesté, que comme le fait valoir l'intéressé, il n'était pas scolarisé au Mali et qu'il suit depuis son arrivée en France des cours de français. Par ailleurs, dans un document intitulé " Bilan de situation ", daté du 16 juin 2019, le proviseur adjoint du lycée professionnel de Toul indique que le requérant suit dans l'établissement une formation qualifiante en classe de CAP 1ère année avec assiduité et ponctualité. Il ajoute que " son attitude est sérieuse et montre beaucoup de bonne volonté en classe ; il obtient une moyenne annuelle de 11,43 ", comme l'attestent d'ailleurs ses bulletins de notes, et qu'il bénéficie du dispositif de tutorat mis en place afin de l'aider à surmonter ses difficultés. En outre, M. B... produit une promesse d'embauche du 13 mars 2018, rédigée par le responsable d'un restaurant où il a effectué un stage, dans laquelle ce dernier atteste de vouloir engager le requérant en apprentissage dans le cadre d'un CAP de cuisinier. Par ailleurs, le rapport d'évaluation du 31 janvier 2018, rédigé par le responsable du service des mineurs isolés étrangers en vue de la demande de régularisation de M. B..., relève les efforts de l'intéressé pour s'insérer socialement, professionnellement et culturellement, avant d'indiquer qu'il pourra bénéficier d'un contrat jeune majeur. Enfin, il est constant que les parents du requérant sont décédés en 2010. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, nonobstant la circonstance qu'il ait régulièrement des contacts téléphoniques avec sa sœur et son oncle paternel restés au Mali, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision de refus de titre de séjour attaquée doit être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande à fin d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu et à l'évolution de la situation de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande de titre de séjour de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Chaïb renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 décembre 2019 et la décision du préfet du 18 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Chaïb une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chaïb renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N°20NC02307