Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, M. C..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; a été acquise à la suite d'une procédure irrégulière en ce qu'il n'est pas justifié que l'agent ayant consulté les fichiers automatisés de traitement de l'information judiciaire était habilité à le faire conformément aux dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale et L. 243-1 du code de la sécurité intérieure ; repose sur une erreur de qualification des faits en ce que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation ; viole les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire : procède d'une erreur d'appréciation en ce qu'il n'y avait aucune urgence à l'éloigner en l'absence de risque ; porte atteinte à son droit à se défendre le cas échéant en cas de poursuites pénales en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de circulation : viole les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2021, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Claisse, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant espagnol né le 28 octobre 1971 est, selon ses déclarations, entré en France le 4 septembre 2014. Le 13 février 2020, il a fait l'objet d'une interpellation par les services de la police de Dijon pour des faits de violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en l'occurrence deux jours, et a été placé en garde à vue. Par un arrêté du 13 février 2020 le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 19 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter sans délai le territoire :
2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate :/ (...) 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société./L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine./L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ".
En ce qui concerne la légalité externe :
3. M. C... reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge.
4. Afin d'apprécier le comportement personnel du ressortissant européen, l'autorité administrative peut se fonder sur tout élément matériel dont elle peut avoir connaissance et n'est pas tenue de se fonder sur les éléments contenus dans les fichiers de traitement automatisé de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale. Si toutefois une telle consultation a été effectuée, elle doit l'avoir été par un agent spécialement désignée selon la procédure prévue à l'article L. 234-2 du code de la sécurité intérieure. Il ressort du dossier de première instance que les services de la préfecture ont reçu communication des procès-verbaux établis au cours de la procédure pénale ayant impliqué l'intéressé afin d'apprécier le comportement de M. C.... En tout état de cause, le préfet de Côte d'Or justifie que l'agent ayant également consulté le fichier de traitement des antécédents judiciaires disposait en l'occurrence des habilitations requises par les dispositions du code de la sécurité intérieure. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la garantie prévue à l'article L. 234-2 du code de la sécurité intérieure aurait été méconnue.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. D'abord, il ressort de ses déclarations devant les services de police judiciaire que M. C... a, le 13 février 2020, sous l'emprise de l'alcool, frappé son épouse et l'a menacée d'une arme blanche en présence de ses trois enfants mineurs. B... de M. C... s'est vu délivrer un certificat médical faisant état d'une incapacité temporaire totale de deux jours. M. C... a fait l'objet d'une convocation par officier de police judiciaire en vue d'une audience devant le tribunal correctionnel le 3 novembre 2020. Sur la foi de ces éléments, en dépit de ce qu'aucune condamnation pénale n'avait encore été prononcée à la date de la décision attaquée, l'autorité préfectorale a pu, en l'espèce, à bon droit estimer que le comportement de l'intéressé constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société.
6. Ensuite, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. M. C... soutient que le préfet n'a pas tenu compte de sa situation familiale alors que ses trois enfants sont présents et scolarisés sur le territoire français et qu'il travaille en qualité d'agent d'entretien au sein d'un hôtel à Dijon. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est marié à une ressortissante espagnole qui a déposé plainte à l'encontre de son époux en raison de faits de violence. Par ailleurs, il résulte des propres déclarations de l'intéressé faites lors de l'audience devant le premier juge que ses enfants ne sont pas scolarisés. Rien ne s'oppose dès lors à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer, le cas échéant, hors de France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans le pays dont il a la nationalité où résident ses frères et sœurs. Enfin, le requérant ne produit aucun élément probant relatif à son intégration dans la société française. Dans ces conditions, compte tenu des buts poursuivis par la décision attaquée, l'autorité préfectorale n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de M. C... et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants mineurs.
8. Enfin, compte tenu du comportement de l'intéressé et des nécessités de sauvegarde de l'ordre public, l'autorité préfectorale a pu légalement estimer que l'urgence à éloigner M. C... justifiait de lui refuser tout délai de départ volontaire.
Sur la légalité de l'interdiction de circulation :
9. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ". Et aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 511-3-1, applicable aux interdictions de circulation sur le territoire français prises en vertu du dernier alinéa de l'article L. 511-3-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine ".
10. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... déclare être entré en France en 2014, au demeurant sans l'établir, il a vécu l'essentiel de son existence en Espagne, où se trouvent, selon ses propres déclarations, ses frères et sœurs. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est établi ni que B... de l'intéressé et leurs enfants seraient établis en Fance, ni que M. C... serait titulaire d'un contrat de travail en France. Dans ces conditions, et compte tenu du comportement du requérant, impliqué dans des faits de violence aggravée et de l'absence d'éléments d'insertion positive dans la société française, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Côte d'Or aurait méconnu les dispositions citées au point précédent et entaché sa décision d'erreur d'appréciation sur sa situation personnelle et familiale. Pour la même raison, le préfet n'a porté une atteinte disproportionnée à sa liberté de circulation.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de circulation aurait pour effet d'empêcher M. C... de se défendre lors de l'audience pénale à laquelle il a été convoqué et au cours de laquelle il n'établit pas ne pas pouvoir être représenté. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait atteinte à son droit à un procès équitable en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
N°20NC02591 4