Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, M. A... B..., représenté par Me Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 13 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée du vice d'incompétence.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1990 et de nationalité tunisienne, serait entré irrégulièrement en France le 25 avril 2011 selon ses déclarations. Le 5 mai 2011, M. B... a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale, qui a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 29 juin 2011. Il a de nouveau fait l'objet d'arrêtés portant obligation de quitter le territoire français les 11 novembre 2011 et 24 février 2015. Par courrier du 18 juin 2018, complété le 29 mars 2019, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 13 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 22 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 juin 2019.
Sur la légalité de la décision lui refusant le séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour (...) se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1erdu présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.
4. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... soutient être présent en France depuis 2011, sans toutefois établir la continuité de son séjour sur le territoire français dès lors qu'il n'apporte aucun élément relatif à sa présence s'agissant des années 2012, 2014 et 2017. Il s'est par ailleurs maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré des mesures d'éloignement prises à son encontre les 29 juin et 11 novembre 2011, et 24 février 2015. S'il se prévaut de sa relation avec sa compagne qu'il soutient avoir rencontrée en 2016 sans en justifier, leur communauté de vie n'est établie que depuis début 2019, soit quelques mois avant la décision attaquée. La circonstance qu'ils ont eu un enfant ensemble est sans incidence dès lors que cette situation est postérieure à la décision attaquée. M. B... justifie avoir occupé des emplois de courte durée. Cependant, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer une insertion particulière en France, l'intéressé ayant fait l'objet par ailleurs d'une condamnation pénale de trois mois avec sursis le 13 avril 2015 pour usage de faux documents. Il ne démontre pas en outre avoir tissé des liens amicaux intenses en France. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents ainsi que ses six frères et sœurs. Dans ces conditions, le requérant ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour par l'octroi d'un titre de séjour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste en appréciant l'opportunité de la régularisation de sa situation administrative.
6. En deuxième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui totaliserait les durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En quatrième lieu, M. B... se prévaut des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, il ressort des pièces du dossier, et notamment de son courrier du 26 mars 2019 précisant le fondement de sa demande de titre de séjour, que l'intéressé n'a pas sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, il ne saurait utilement soutenir que, par la décision contestée, le préfet a méconnu les dispositions de cet article. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 5 et 8 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation du requérant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré du vice de compétence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
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N° 20NC01529