Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, sous le numéro 21NC01791, M. et Mme C..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 30 avril 2021 ;
3°) de faire injonction au préfet du Bas-Rhin de réexaminer leurs situations dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'article 5 § 2 du règlement n° 1560/2003 a été méconnu dès lors qu'en l'absence de réponse des autorités allemandes à la demande de réexamen de la France, cette procédure était close et la France est devenue responsable de leurs demandes d'asile à compter du 8 avril 2021, les délais prévus à l'article 21 § 1 et à l'article 23 § 2 du règlement étant expirés lorsque l'Allemagne a fait connaître son accord de prise en charge le 26 avril 2021 ;
- l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation en ayant refusé de mettre en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement n° 604/2013.
II.) Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, sous le numéro 21NC01795, M. et Mme C..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :
1°) de prononcer sur le fondement des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative le sursis à l'exécution du jugement du 7 juin 2021 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils invoquent les mêmes moyens que ceux-ci-dessus visés et soutiennent que l'exécution du jugement sera de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement CE n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 13 novembre 2018 affaires C-47/17 et C-48/17 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu à l'audience publique le rapport de M. Agnel.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien, et son épouse, de nationalité azerbaïdjanaise, nés en 1983 et 1988, respectivement, sont entrés en France en dernier lieu, le 5 mars 2021, accompagnés de leurs cinq enfants mineurs, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le même jour. La comparaison du relevé décadactylaire de leurs empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé que ces empreintes avaient été relevées à deux reprises par les autorités allemandes. Le 12 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge des intéressés. Les autorités allemandes ont donné leur accord à cette mesure le 26 avril 2021. En conséquence, la préfète du Bas-Rhin, par les arrêtés contestés du 30 avril 2021, a décidé la remise de M. et Mme C... aux autorités allemandes et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par les requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement en demandent le sursis à exécution.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Les requérants ayant demandé l'aide juridictionnelle, il y a lieu de les admettre, vu l'urgence, au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans les deux instances ci-dessus visées.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
4. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de M. et Mme C... contre le jugement du 7 juin 2021. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la légalité des arrêtés du 30 avril 2021 :
En ce qui concerne la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile des requérants :
5. Aux termes de l'article 21 du règlement ci-dessus visé du 26 juin 2013 : "1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur./Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) no 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement./Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ( "hit" ), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013./ 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". Aux termes de l'article 5 du règlement ci-dessus visé du 2 septembre 2003 : "1. Lorsque, après vérification, l'État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu'il envoie à l'État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus. /2. Lorsque l'État membre requérant estime que le refus qui lui est opposé repose sur une erreur d'appréciation ou lorsqu'il dispose d'éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter un réexamen de sa requête. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative. L'État membre requis s'efforce de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l'article 18, paragraphes 1 et 6, et à l'article 20, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) n° 343/2003 ". Il résulte de l'arrêt ci-dessus de la cour de justice de l'Union européenne que l'article 5, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement d'exécution doit être interprété en ce sens que l'expiration du délai de réponse de deux semaines prévu par cette disposition clôture de manière définitive la procédure additionnelle de réexamen, que l'État membre requis ait ou non répondu dans ce délai à la demande de réexamen de l'État membre requérant. Partant, à moins de disposer encore du temps nécessaire pour pouvoir introduire, dans les délais impératifs prévus à cet effet à l'article 21, paragraphe 1, et à l'article 23, paragraphe 2, du règlement Dublin III, une nouvelle requête de prise ou de reprise en charge, l'État membre requérant doit être considéré comme responsable de l'examen de la demande de protection internationale concernée.
6. Pour l'application de ces règles, la circonstance que l'Etat requis ait à la suite d'une demande de réexamen accepté expressément la reprise en charge du demandeur d'asile après l'expiration du délai de réponse de deux semaines prévu par la troisième phrase du paragraphe 2 de l'article 5 du règlement d'exécution, ne fait pas obstacle à ce que l'Etat requérant puisse prendre une décision de remise aux autorités de l'Etat requis à condition que les délais prévus aux articles 21 et 23 du règlement du 26 juin 2013 ne soient pas eux-mêmes expirés.
7. Il ressort des pièces du dossier que la France a saisi les autorités allemandes le 12 mars 2021 aux fins de la reprise en charge des époux C... et que ces autorités ont rejeté cette demande le 19 mars 2021. Les autorités françaises ont alors saisi les autorités allemandes d'une demande de réexamen le 23 mars suivant à laquelle celles-ci n'ont répondu que le 26 avril 2021, après l'expiration du délai de deux semaines prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement du 2 septembre 2003 et alors que la procédure de réexamen était définitivement clôturée. Le " hit Eurodac " étant survenu le 5 mars 2021, le délai de deux mois prévu aux articles 21 et 23 ci-dessus reproduits du règlement ci-dessus visé du 26 juin 2013 n'a toutefois expiré que le 6 mai 2021. L'accord des autorités allemandes, bien qu'exprimé postérieurement au délai de l'article 5 du règlement du 2 septembre 2003, est toutefois survenu le 26 avril 2021 alors que la France n'était pas encore devenue responsable de la demande d'asile des époux C... en l'absence d'expiration des délais des articles 21 et 23 du règlement du 26 juin 2013. Dans ces conditions, l'accord exprimé par l'Allemagne pour la reprise en charge des époux C... a pu légalement produire ses effets et c'est régulièrement que l'autorité préfectorale a pu décider, par les arrêtés du 30 avril 2021, de remettre les intéressés aux autorités de ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la France était devenue responsable de la demande d'asile des époux C... sera écarté.
En ce qui concerne la mise en œuvre de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 :
8. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". L'article 17 du même règlement dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
9. Les requérants reprennent en appel sans précision nouvelle le moyen tiré de la violation de ces dispositions. Il y a lieu d'écarter le moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par le premier juge.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les époux C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête aux fins d'annulation et d'injonction ci-dessus visée doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : M. et Mme C... sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à fin de sursis à exécution ci-dessus visés sous le numéro 21NC01795.
Article 3 : La requête aux fins d'annulation et d'injonction ci-dessus visée sous le numéro 21NC01791 est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin et au bureau d'aide juridictionnelle.
N° 21NC01791, 21NC01795 2