Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour temporaire ; à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle présente des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais (République du Congo), né le 15 novembre 2000, est entré irrégulièrement en France en décembre 2015, alors qu'il était mineur, pour y rejoindre son père. Il a sollicité le 30 octobre 2018, auprès des services préfectoraux de l'Aube, son admission au séjour pour poursuivre ses études en France. Par un arrêté du 29 janvier 2019, le préfet l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera le cas échéant reconduit. Par le jugement attaqué du 28 mai 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'indication suffisante des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Aube s'est fondé afin de prendre à l'encontre de M. A... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
3. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'afin de prendre les décisions attaquées le préfet de l'Aube aurait refusé d'examiner la situation personnelle de M. A... et à faire usage des pouvoirs qui sont les siens. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier ne peut qu'être écarté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (...) ". Selon l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ". L'article 4 de la convention franco-congolaise dispose que : " Pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants français à l'entrée sur le territoire congolais et les ressortissants congolais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Aux termes de l'article 9 de la même convention : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". (...) ". Selon l'article 13 de cette convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) ". L'article R. 313-10 de ce code prévoit que : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / 2°L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. ".
5. Il ressort des stipulations précitées de l'article 13 de la convention franco-congolaise que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables aux ressortissants congolais lorsqu'il n'existe pas de stipulations de la convention ayant le même objet. En l'espèce, les articles 4 et 9 de cette convention fixent les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants congolais désireux de suivre des études supérieures en France un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ces stipulations font, dès lors, obstacle à l'application aux ressortissants congolais des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont le même objet. Il s'en suit que M. A..., qui ne critique pas la substitution de base légale de ces dispositions par celles de la convention franco-congolaise, opérée à juste titre par le tribunal administratif qui s'est référé au double motif que l'intéressé ne présentait pas un visa de long séjour et qu'il ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, il est constant que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français à l'âge de quinze ans pour y rejoindre son père, lui-même en situation irrégulière, sans avoir obtenu préalablement de visa de long séjour. Le préfet de l'Aube a pu également lui opposer le motif tiré de ce qu'il ne disposait pas de ressources financières suffisantes, ce qui n'est pas remis en cause par les pièces produites par le requérant. Par suite, ce moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
8. M. A... se prévaut du caractère sérieux de sa scolarité en France depuis l'âge de quinze ans et de la poursuite de ses études en deuxième année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) filière " service hôtel café restaurant " au lycée Edouard Herriot à Sainte-Savine. Toutefois, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Aube au regard de ces dispositions doit, par suite, être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui "
10. M. A..., né le 15 novembre 2000, est célibataire et sans enfant. Il séjourne sur le territoire français depuis décembre 2015, après y être entré irrégulièrement. Si le requérant fait valoir la présence en France de son père et son beau-frère ainsi que la poursuite de ses études en CAP, ces circonstances ne permettent pas de considérer qu'il a transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine, ni même qu'il ne pourrait pas y obtenir un visa long séjour afin de poursuivre ses études en France. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le préfet de l'Aube n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, il n'est par conséquent pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait privée de base légale.
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Aube a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 19NC02109
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