Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 août 2019, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 août 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la compétence de l'auteur de la décision contestée n'est pas établie ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est cru à tort lié dans le cadre de l'examen de sa situation ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- la compétence de l'auteur de la décision contestée n'est pas établie ;
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation et a ainsi commis une erreur de droit ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la compétence de l'auteur de la décision contestée n'est pas établie par la production d'une délégation qui est trop générale ;
- il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations en violation du droit d'être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- un retour en Arménie l'exposerait à des risques de traitements dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n°2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant arménien, a déclaré être entré en France le 3 février 2014 à l'âge de 17 ans. Il a été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance (ASE). A sa majorité, il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable pour une durée d'un an, du 5 novembre 2015 au 4 novembre 2016. Par un courrier du 4 janvier 2017, M. D... a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, sa demande de titre de séjour a été refusée par une décision en date du 7 décembre 2017. Par un courrier du 10 septembre 2018, M. D... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour, afin de lui permettre de travailler. Par un arrêté du 11 avril 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'y faire droit, l'a obligé à quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. D... relève appel du jugement du 6 août 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire et le sursis à statuer :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 5 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a admis le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par conséquent, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande de sursis à statuer et d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 27 juin 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
5. Comme l'avait déjà relevé le premier juge, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le refus de titre de séjour qui est opposé à M. D... n'est pas fondé sur l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur l'article L. 313-14 et le 7°) de l'article L. 313-11 du même code. Le requérant ne peut donc pas utilement invoquer, pour contester le titre de séjour en litige, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. M. D... fait état de la présence en France de ses parents, dont il n'est pas contesté qu'ils sont arrivés sur le territoire deux ans après lui, ainsi que de sa soeur. Il fait également valoir qu'en raison de l'état de santé de ces derniers, le préfet aurait dû considérer qu'il bénéficie de circonstances humanitaires. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. D... entretiendrait des liens d'une particulière intensité avec les membres de sa famille, ni que ces derniers seraient effectivement malades, comme il l'affirme. En tout état de cause, le préfet soutient sans être contredit que ses parents séjournent sur le territoire irrégulièrement, en raison du rejet de leur demande d'asile, de sorte qu'ils ont également vocation à être éloignés. En outre, M. D..., qui est célibataire et sans enfant, et dont la soeur est également en situation irrégulière sur le territoire français et n'a pas été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, ne justifie pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour en litige ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît par suite aucune des stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité par M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
9. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...)".
11. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, en accordant un délai de départ volontaire de trente jours, n'était pas tenu de motiver sa décision sur ce point dès lors que le requérant n'avait présenté aucune demande tendant à la prolongation de ce délai de départ volontaire en faisant état de circonstances propres à son cas. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. D... avant de prendre la décision contestée. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation du délai de départ volontaire et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.
12. En troisième lieu, le requérant, qui ne fait état d'aucun élément qui puisse être regardé comme une circonstance particulière justifiant une prolongation du délai de départ volontaire, n'établit pas que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
14. En deuxième lieu, M. D... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, sans apporter d'éléments nouveaux. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le premier juge.
15. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. En se bornant à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposera à des risques de traitements dégradants et inhumains, sans apporter aucun élément probant, M. D... n'établit pas que le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les stipulations et dispositions précitées en fixant l'Arménie comme pays de destination. Par suite le moyen doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 19NC02682 2